Prévisions Affilia mi-2025 en droit du commerce international

Canada | Libre-Échange | Différends commerciaux | Fiscalité internationale | Marché des changes | Sanctions |Sécurité nationale | Normes ESG | Environnement | Terres rares | Organisation mondiale du commerce | Conseils pratiques Affilia

Affilia remercie André-Philippe Ouellet, Collaborateur Affilia, et Bernard Colas ainsi que les membres de l’équipe Affilia pour ces prévisions.

La deuxième moitié de 2025 restera empreinte d’imprévisibilité en raison du tourbillon de mesures et de reculs de la part de l’administration Trump aux États-Unis. La deuxième moitié de l’année devrait toutefois être l’objet de moins de rebondissements en raison de l’arrivée au pouvoir du gouvernement Carney au Canada. En dépit de ces turbulences, Affilia anticipe les tendances et développements suivants d’ici la fin de 2025.

Opportunités de diversification commerciale

Le Canada continuera ses efforts de diversification commerciale au cours de l’année. L’objectif de finaliser en 2025 les négociations en vue de conclure un accord commercial avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et le Canada est maintenu, ouvrant de nouveaux marchés pour les exportateurs canadiens. Un accord devrait être signé d’ici fin 2025 entre le Canada et l’Équateur. En outre, l’Indonésie et le Costa Rica enregistrent des progrès en lien avec leur demande d’accession à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste auquel le Canada est partie.

Relations commerciales Canada — États-Unis : Entre pragmatisme et opportunités

Au cours de la deuxième moitié de 2025, le Canada devra continuer à faire preuve de pragmatisme dans ses relations avec les États-Unis. Comme prévu au début de l’année par l’équipe d’Affilia, le Canada doit faire face à de multiples tarifs américains, mais le spectre de tarifs généralisés semble écarté. Les entreprises canadiennes font face à un paysage tarifaire fragmenté, mais gérable pour la plupart d’entre elles.

Les tarifs américains de « réciprocités » sont suspendus jusqu’au début août alors que le gouvernement américain prévoit conclure des accords d’ici septembre avec ses partenaires clefs. Les produits ayant un contenu canadien suffisant et couvert par l’ACÉUM sont donc exemptés des tarifs de 25 % (tarifs « fentanyl »), y compris dans le secteur automobile. Restent les tarifs sur l’acier et l’aluminium dorénavant portés à 50 %. Les secteurs aérospatial et pharmaceutique font l’objet d’enquêtes américaines pouvant déboucher sur de nouveaux tarifs.

Le premier bloc de contre-tarifs canadiens demeure en vigueur alors que le Canada a mis en place des contre-tarifs, notamment sur l’acier et l’aluminium, à hauteur de 25 % et que l’entrée d’un deuxième bloc de contre-tarifs est en suspens. Il est probable que ce second bloc de contre-tarif soit mis en œuvre advenant l’imposition d’un tarif de 30% par les États-Unis en août. Dans tous les cas, le premier bloc de contre-tarifs sera appliqué plus strictement et que moins d’entreprises seront à même de bénéficier d’exemptions. Les entreprises canadiennes devront être proactives afin de faire valoir leurs intérêts. Le Canada a également annoncé mettre en place des contingents tarifaires de 100 % sur l’acier et l’aluminium en provenance de pays avec lesquels il n’a pas d’accord de libre-échange afin d’éviter que son marché ne soit inondé en raison d’une redirection des flux commerciaux.

D’ici la fin de l’année, le Canada cherchera activement à trouver une porte de sortie. Le gouvernement se fait pragmatique, ayant même renoncé à imposer les GAFAM américains afin de faire montre de bonne volonté dans les négociations en cours avec les États-Unis. Le 21 juillet ou le 1er août, le Canada devra réévaluer l’opportunité d’appliquer des contre-tarifs suivant les négociations en cours avec l’administration Trump. Bien que ces négociations soient ardues, les États-Unis ont négocié avec le Royaume-Uni un accord commercial prévoyant des tarifs réduits pour les voitures et une exemption partielle de droits sur l’acier et l’aluminium en provenance de ce pays en échange de concessions, surtout agricoles. Il est à noter que les États-Unis ont renoncé à inclure dans l’accord leur revendication traditionnelle quant au bœuf élevé aux hormones et à la volaille chlorée. Il faudra toutefois rester circonspects en raison des mesures erratiques prises par l’administration Trump et de la nature de ces accords qui ne sont pas des traités, mais bien des « Executive Agreements » ne devant pas être ratifiés par le Congrès et dont la force obligatoire apparaît douteuse.  

Plus généralement, les équipes de l’administration Trump ont rendu leurs conclusions début avril quant aux tarifs, la réduction du déficit commercial américain, la renégociation de l’ACÉUM suivant le lancement d’une série d’enquêtes et de consultations. Ces rapports ont conclu notamment à la nécessité de mettre en place de nouveaux tarifs afin de diminuer le déficit commercial des États-Unis. Il est également fait état de la volonté d’accroître l’accès des Américains au marché agricole canadien, ce qui augure d’une pression accrue sur nos producteurs laitiers. L’une des recommandations vise à renégocier la participation des États-Unis à l’Accord OMC sur les marchés publics, voire à s’en retirer. Comme anticipé par l’équipe d’Affilia au début de l’année, le Tribunal de commerce international des États-Unis est intervenu en la matière, mais sa décision invalidant certains droits de douane imposés par l’exécutif a été portée en appel. Les tribunaux américains ont historiquement défendu l’autorité exécutive en matière de commerce extérieur, rendant peu probable une annulation sur le fond.

Le Canada évoque la possibilité de mettre en place un « Buy Canada Act » afin de prioriser le contenu canadien dans les achats publics, alors que seules certaines provinces comme le Québec (pénalité de 25 %) et l’Ontario (interdiction) ont mis en place des restrictions à la participation d’entreprises américaines à leurs marchés publics. La loi devrait toutefois permettre la participation des partenaires du Canada considérés comme fiables et qui respectent toujours l’Accord OMC sur les marchés publics.

Enfin, il convient de souligner que le tableau n’est pas tout noir : il est même possible que le Canada bénéficie de la conjoncture actuelle. En effet, si les États-Unis maintiennent des tarifs élevés à l’encontre de pays comme la Chine, mais préservent leurs partenaires ACEUM, le Canada pourrait jouir d’un certain avantage comparatif. Le Canada doit veiller à protéger sa relation commerciale avec les États-Unis tandis que nos entreprises auront avantage à se montrer flexibles.

Différends commerciaux ACÉUM

Il faudra également suivre le différend entre les États-Unis et le Canada quant à la Loi sur les nouvelles en ligne, les États-Unis ayant pour l’heure engagé des consultations avec le Canada sans demander l’établissement d’un groupe spécial.

Autrement, il est intéressant de noter que le Mécanisme de Réaction Rapide de l’ACEUM visant à garantir le respect des droits des travailleurs poursuit son œuvre, un deuxième groupe d’experts ayant été formé en mai.

Fiscalité internationale

Les États membres du G7 ont abdiqué devant les États-Unis fin juin en décidant d’exempter les multinationales américaines de l’impôt corporatif minimal de 15 % censé être mis en place sous l’égide de l’OCDE ainsi que du mécanisme de redistribution des profits des grandes entreprises numériques (piliers I & II) sous prétexte qu’elles seraient déjà imposées aux États-Unis.

Marché des changes

En 2025, il faudra continuer à avoir à l’œil la politique monétaire de l’administration Trump, celle-ci étant une considération clef de la politique commerciale américaine. Comme entre 1971 et 1974 sous l’administration Nixon, les salves de tarifs sous Trump visent notamment à contraindre les partenaires commerciaux des États-Unis à réévaluer le cours de leurs devises. Il n’est pas à exclure que les États-Unis tentent d’imposer à leurs partenaires un traité de « Mar-a-Lago » s’inspirant des Accords du Plaza (1985) ou du Louvre (1987).

Sanctions économiques et sécurité nationale

Au printemps, le Canada a commencé à mettre en œuvre ses sanctions contre des personnes physiques et morales de nationalité russe en saisissant un aéronef et en prenant des mesures contre une entreprise ayant commercé illégalement avec la Russie. Le Canada a également sévi contre Hikvision en ordonnant à la compagnie de cesser ses activités au Canada à la suite d’un examen de sécurité nationale au titre de la Loi sur investissement Canada. Le gouvernement du Canada devrait par ailleurs se montrer davantage actif au cours de 2025 afin de faire respecter son régime de sanctions.

En juin 2025, le Canada a également imposé pour la première fois des sanctions à deux hauts représentants du gouvernement israélien. Ces sanctions, prises en coordination avec l’Australie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, sanctionnent le rôle de ces individus dans la facilitation et la couverture politique de l’expansion des colonies et des actes de violence commis par des colons en Cisjordanie.

Il faudra également surveiller la mise en place éventuelle par les États-Unis de sanctions secondaires visant les pays continuant à faire affaire avec la Russie, notamment en lien avec le gaz et le pétrole, ce qui pourrait déstabiliser le marché de l’énergie et le marché des changes.

Évolutions réglementaires ESG et tarification du carbone

Comme anticipé par Affilia au début de l’année, la Commission européenne a proposé une loi omnibus qui réduirait la portée et la teneur des obligations de divulgation environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) ainsi que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières mis en place par l’UE. Ce projet a été transmis au parlement européen et pourrait déboucher à la fin de l’automne 2025.

Il est proposé de réduire le fardeau administratif de 25 % au minimum au titre de la récente Directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) et d’exonérer 80 % des entreprises initialement visées en vertu de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Ces Directives imposent aux entreprises des obligations strictes en matière de diligence raisonnable et de déclaration quant aux impacts environnementaux et sociaux en lien avec leur chaîne d’approvisionnement.

D’autre part, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE verra son champ d’application restreint. Si cette nouvelle mouture est adoptée par le parlement européen, 90 % des PME importatrices en Europe seraient exemptées tandis que les procédures seraient rationalisées. 

Ce projet est l’objet de critiques et perçu comme un recul par certains, mais il devrait être adopté. L’UE se fait davantage réaliste en raison de la grogne que ces directives suscitent en les imposant seulement aux grandes entreprises.

Enfin, il est à noter que le mécanisme d’ajustement carbone du Royaume-Uni devrait entrer en vigueur en 2027. Le mouvement vers un renforcement des obligations de déclaration environnementale ne semble pas affaibli ; d’autres États devraient mettre en place des mécanismes d’ajustement carbone.

Environnement

Comme prévu par Affilia, les États membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) se sont entendus en avril 2025 quant à la mise en place d’une taxe sur les émissions carbone du fret maritime. Le projet devrait être formellement adopté en octobre et applicable dès 2027 pour les navires de plus de 5 000 tonnes. La taxe carbone variera entre 100 et 380 dollars américains par tonne de Co2. Les entreprises doivent donc se préparer à une augmentation des coûts du transport maritime.

Pour l’instant, le règlement européen visant à contrer la déforestation a accouché d’une souris. Seuls des pays jugés hostiles comme la Russie ou la Corée du Nord ont été jugés à risque de déforestation. Le Canada comme l’ensemble des États occidentaux a été jugé à faible risque de déforestation.

D’ici la fin septembre 2025, les entreprises canadiennes ayant une obligation de déclaration en lien avec le registre fédéral sur les plastiques doivent faire rapport concernant l’année 2024. Les entreprises produisant, important ou mettant en marché plus de 1000 kg de plastique par année, ont des obligations de déclaration dès cette année. Les obligations iront croissant en 2026 et 2027.

Finalement, le bureau de la concurrence a récemment publié des lignes directrices afin d’aider les entreprises à respecter leurs nouvelles obligations en lien avec l’interdiction d’écoblanchiment et de déclarations environnementales trompeuses en lien avec les produits et services qu’elles offrent.

Défis des terres rares et chaînes d’approvisionnement

Les entreprises utilisant des terres rares comme intrants ou des biens qui en contiennent devraient avoir à l’œil les restrictions à l’exportation mises en place par la Chine, pays jouissant d’un quasi-monopole. Depuis avril, les importateurs doivent obtenir l’autorisation du régime afin d’importer sept types de terres rares différentes et les restrictions devraient se multiplier d’ici la fin de 2025 tant en Chine qu’ailleurs. Les États-Unis viennent toutefois de conclure un accord avec la Chine, accord visant à sécuriser ses approvisionnements en terres rares en échange d’une désescalade tarifaire.  

Organisation mondiale du commerce (OMC)

L’année 2025 s’annonçait assez morne à l’OMC. Bien que les projets de réformes soient à l’arrêt, les initiatives conjointes poursuivent leurs travaux et le système de règlement des différends est à nouveau en ébullition en raison de la guerre commerciale lancée par l’administration Trump.

D’abord, le Canada a lancé trois séries de consultations avec les États-Unis quant aux surtaxes sur l’acier et l’aluminium, quant au 25 % initialement applicable sur tout, ainsi qu’aux tarifs automobiles. Le Canada a demandé l’établissement d’un groupe spécial contre la Chine en lien avec les mesures restrictives mises en place contre les produits agricoles canadiens (canola, porc, etc.). La Chine a pour sa part mis en cause les surtaxes canadiennes sur les véhicules électriques chinois et d’autres produits. Le Canada risque de l’emporter dans ses différends contre les États-Unis et la Chine. Il est toutefois probable que le Canada perde le différend initié par la Chine quant aux véhicules électriques. Un nouveau différend pourrait également surgir en raison de mesures de sauvegardes étudiées par la Chine en lien avec la viande de bœuf, ce qui pourrait affecter les exportateurs canadiens.

D’autre part, depuis le début de l’année, la Chine a demandé l’établissement d’un groupe spécial contre l’UE et la Turquie quant à leurs restrictions à l’importation de véhicules électriques. L’UE a toutefois de forte chance de l’emporter comme ses mesures sont calibrées et relèvent de droits compensateurs plutôt que d’un tarif unique comme celui imposé par le Canada. La Chine a également mis en cause les mesures américaines à l’OMC.

Fait intéressant, la Russie a engagé des consultations avec l’UE quant à la licéité de son mécanisme d’ajustement carbone dont la Russie allègue qu’il viole le principe de la nation la plus favorisée, entre autres principes. L’UE a refusé de prendre part aux consultations en raison de la guerre en Ukraine, ce qui n’empêchera pas l’affaire d’aller de l’avant. Un jugement déclarant ses mesures contraires au droit de l’OMC la pousserait probablement à ajuster les paramètres de son mécanisme.

Il est important de comprendre qu’en raison de cette possibilité d’appeler d’un rapport dans le vide afin de le priver de toute force obligatoire, les affaires impliquant les États-Unis et la Russie n’acquerront pas de force obligatoire. Celles impliquant le Canada, la Chine et l’UE auront toutefois des conséquences juridiques tangibles puisque ces pays participent à l’AMPA. Avec l’ajout récent du Royaume-Uni, l’AMPA compte maintenant 57 participants (sur un total de 166 membres à l’OMC).

L’OMC pourrait paradoxalement retrouver de son éclat et redevenir un forum de négociation dynamique en raison de la guerre tarifaire et des tarifs dits de « réciprocité » américains. Ce pays demandant des concessions tarifaires à l’ensemble des États, ce mouvement pourrait engendrer une libéralisation accrue si ces concessions se faisaient sur la base de la clause de la nation la plus favorisée (NPF), comme le prévoient les accords OMC. Certains blocs d’États dont l’UE ont d’ores et déjà annoncé que l’octroi de nouvelles concessions devrait respecter la clause NPF. Il sera intéressant de suivre l’approche qu’adoptera le Canada qui jouit d’un grand avantage alors qu’il sera possible de n’offrir des concessions qu’à ses partenaires ACÉUM. D’autres États pourraient être tentés de négocier des accords de libre-échange avec les États-Unis afin d’éviter d’étendre leurs concessions sur une base NPF.

L’accord sur les subventions à la surpêche et à la pêche illicite devrait entrer en vigueur d’ici la fin de 2025 comme 102 membres l’ont déjà ratifié sur les 111 nécessaires. L’accord sur les marchés publics devrait également compter deux nouveaux membres d’ici à la fin de l’année, l’Albanie et le Costa Rica.

Enfin, les négociations visant l’accession de l’Ouzbékistan et de l’Éthiopie à l’OMC devraient être complétées d’ici la fin de l’année alors que la Somalie vient d’engager un processus d’accession.

Conseils Pratiques Affilia

Compte tenu de ces développements anticipés pour la deuxième moitié de 2025, les entreprises canadiennes auront tout intérêt à :

  • Utiliser les programmes financiers mis en place par le gouvernement fédéral et les provinces pour mitiger l’impact des tarifs américains ou les contre-tarifs canadiens ;

  • Développer de nouveaux partenariats commerciaux afin de diversifier leurs exportations, y compris dans les États et groupes d’États avec lesquels le Canada négocie actuellement des accords de libre-échange (Indonésie, ANASE et Équateur) ;

  • Faire preuve d’un optimiste modéré vis-à-vis du système commercial international et l’OMC compte tenu de l’accroissement continue du nombre de pays membres de l’OMC et du nombre de pays qui rejoignent le mécanisme d’appel AMPA et l’Accord sur les marchés publics de l’OMC ainsi que des nombreuses plaintes soumises au mécanisme de règlement des différends.

  • Se préparer à la mise en œuvre croissante des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières de l’UE et du Royaume-Uni et anticiper l’augmentation du coût du transport maritime liée à la mise en place prochaine d’une taxe carbone sur le fret maritime ;

  • Se conformer à leurs obligations en matière de déclaration, notamment en lien avec le registre sur les plastiques d’ici septembre 2025 et les nouvelles exigences liées à l’interdiction de l’écoblanchiment ;

  • Continuer à être diligentes dans leurs relations commerciales afin d’éviter de tomber sous le coup de sanctions canadiennes, américaines ou européennes.

Pour plus d’informations sur ces développements et sur l’impact potentiel que ces règlements commerciaux, sanctions économiques et normes ESG peuvent avoir sur vos activités, n’hésitez pas à contacter l’équipe d’Affilia.

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