Prévisions Affilia mi-2024 en droit du commerce international

Canada | Sécurité nationale | Sanctions | Différends commerciaux | Chine | États-Unis | Union européenne | Normes ESG | Environnement et fret maritime | Organisation mondiale du commerce | Propriété intellectuelle et intelligence artificielle | Conseils pratiques Affilia

Affilia remercie André-Philippe Ouellet, Collaborateur Affilia, et Bernard Colas pour la préparation de ces prévisions.

Le milieu de l’année est l’occasion de faire le point sur les développements en droit du commerce international à anticiper pour la deuxième moitié de 2024 et qui sont susceptibles d’affecter les entreprises canadiennes actives à l’étranger.

La deuxième moitié de l’année sera surtout marquée par de multiples élections de par le monde et leurs retombées. Les partenaires commerciaux traditionnels du Canada ne sont pas en reste : la France ayant connu une élection éclair, le Royaume-Uni élu les travaillistes, et l’Inde reconduit le président Modi avec une majorité affaiblie. La grande inconnue demeure toutefois le résultat de l’élection américaine de novembre 2024 qui pourrait avoir un impact majeur sur le commerce entre le Canada et les États-Unis. Les entreprises doivent prendre en compte ces changements et anticiper les interférences potentielles dans leurs chaînes d’approvisionnements et leurs débouchés.

Stratégie internationale du Canada 

La posture du Canada en lien avec le commerce international devrait devenir plus agressive au cours des prochains mois. Les ressources de l’agence canadienne des services frontaliers ont été revues, l’Agence dispose dorénavant d’une nouvelle unité dumping et le Canada a annoncé, dans le budget 2024, vouloir mettre en œuvre des mesures de réciprocité lorsqu’il estime que le traitement d’entreprises ou de produits canadiens à l’étranger est défavorable et illicite. La question de la licéité de telles mesures de réciprocité pourrait se poser au regard du droit de l’OMC, mais le Canada ne serait pas le seul membre de l’OMC à mettre en place de telles mesures, p. ex., les États-Unis et l’Union européenne (UE) avec ses nouvelles mesures d’application (enforcement).

La stratégie indopacifique canadienne continuera d’enregistrer des progrès en lien avec les négociations avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Les négociations seront toutefois de longue haleine, ce qui pousse le Canada à mettre les bouchées doubles dans ses négociations quant à un accord bilatéral de libre-échange avec l’Indonésie. Les possibilités ouvertes par un tel accord seraient significatives, notamment en lien avec la protection d’investissements ou encore la libéralisation des services. L’Indonésie insiste toutefois pour que les dispositions ajoutées à la demande du Canada, p. ex., quant à l’environnement ou aux normes du travail, ne soient pas sujettes à un éventuel mécanisme de règlement des différends. La volonté d’inclure ce type de dispositions ralentit nombre de négociations entamées par le Canada ; la solution indonésienne pourrait donc être une façon de maintenir ces obligations dans les limites acceptables par les partenaires du Canada. Au reste, la mise en œuvre de la stratégie indopacifique canadienne est entravée par la détérioration des relations avec l’Inde, qui s’oppose notamment à ce que le Canada joigne l’IPEF. Autrement, l’accord conclu entre le Canada et Taiwan quant à la protection des investissements devrait entrer en vigueur d’ici la fin de l’année et les négociations quant à un accord de libre-échange avec l’Équateur vont bon train.

L’élection d’un gouvernement travailliste au Royaume-Uni pourrait relancer les pourparlers quant à un accord de libre-échange avec le Canada. Le Canada ne semble toutefois pas disposé à céder aux Britanniques dans le domaine agricole. Les conséquences de l’absence d’accord de libre-échange se font davantage sentir : depuis mars, les exportateurs ne peuvent plus inclure les composantes européennes afin de se qualifier en vertu des règles d’origines applicables et ainsi éviter les tarifs canadiens. Un tarif de 6 % est dorénavant appliqué aux produits ne se qualifiant pas, p. ex., automobiles et agroalimentaires. Enfin, malgré l’élection d’une nouvelle présidente au Mexique, les investisseurs canadiens devraient demeurer très prudent, surtout dans les domaines énergétique et minier, la présidente appartenant à la même mouvance politique que son prédécesseur.

Les entreprises fabriquant et fournissant des produits en plastique devront fournir des renseignements quant à ceux-ci dans le cadre d’un nouveau registre fédéral sur les plastiques. Les premières déclarations devront être faites en septembre 2025, mais concerneront l’année 2024 ; il convient ainsi de s’y préparer. Cela fait notamment écho aux négociations quant à un traité négocié à l’ONU sur la réduction de la pollution par le plastique qui devrait être finalisé d’ici fin 2024.

Enfin, il est à noter que l’Accord de libre-échange modernisé entre le Canada et l’Ukraine est entré en vigueur le premier juillet.

Sécurité nationale

Les entreprises devraient être attentives aux mesures prévues par la Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère (projet C-70) qui a reçu la sanction royale en juin 2024. Cette loi prévoit la création d’un registre public pour la transparence en matière d’ingérence étrangère et s’inscrit dans le sillage de registres semblables mis en place dans le reste du monde anglo-saxon (Australie, États-Unis, Royaume-Uni). Tout individu ou entreprise agissant pour le compte d’un gouvernement étranger (y compris pour une entreprise contrôlée ou détenue en partie par un gouvernement étranger), ou en association avec lui et étant impliqué de près ou de loin dans un processus politique devra y apparaître dans les 14 jours suivant le début de ladite relation.

Les amendements à la Loi sur Investissement Canada (projet de loi C-34) ont reçu la sanction royale au printemps 2024. Ainsi, le Canada devra conduire des consultations, vraisemblablement cet automne, la loi prévoyant leur tenue afin d’édicter les règlements qui régiront les secteurs sensibles désignés, p. ex., les médias, l’informatique, les minéraux, etc. De nouvelles restrictions toucheront également certains secteurs, dont celui des technologies de l’information et du jeu vidéo, les investisseurs étrangers souhaitant y investir seront sujets à davantage de contrôles. Le Canada s’inscrit là encore dans une tendance globale, de plus en plus de pays ayant mis en place de contrôles et limites à l’investissement étranger sur leur territoire.

Les États-Unis continuent par ailleurs à user d’un argumentaire basé sur la sécurité nationale afin de justifier des mesures restrictives aux commerces et à l’investissement. Le récent veto opposé par l’administration Biden à l’achat d’une aciérie américaine par des intérêts japonais montre encore une fois que même les plus proches alliés des États-Unis peuvent être visés.

Sanctions économiques

Les sanctions canadiennes ciblant des individus et des gouvernements étrangers continueront à se multiplier dans la deuxième moitié de 2024. L’adoption de la loi sur la mise en œuvre de l’énoncé économique 2023 (projet C-59) a créé une nouvelle infraction de « contournement de sanctions ». Cette loi a également renforcé les contrôles afin de s’assurer que des biens contribuant au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme n’entrent pas au Canada, notamment en imposant de nouvelles obligations de déclaration lorsque des soupçons raisonnables existent. Le gouvernement canadien a par ailleurs récemment publié de nouvelles informations afin d’aiguiller les entreprises en lien avec son régime de sanction.

Le Canada, tout comme l’UE et les États-Unis, ira probablement de l’avant avec le projet de vendre les actifs russes saisis afin de financer l’effort de guerre ukrainien. La vente d’actifs expropriés sans compensation apparaît toutefois contraire au droit international, leur achat pourrait donc poser problème s’ils sont ensuite transférés dans des États ne reconnaissant pas ces transferts de propriété.

Peu importe l’issue de l’élection aux États-Unis, en 2024, les sanctions économiques américaines devraient se multiplier en nombre et en intensité. Les États-Unis accroissent notamment le spectre de leur régime de sanctions, en visant particulièrement les secteurs technologiques, incluant dans les services, p. ex., infonuagiques et logiciels. Toute entreprise opérant depuis les États-Unis aura interdiction de fournir de tels services en Russie à partir de septembre 2024. L’UE a également adopté des mesures semblables dans son 14e paquet de sanctions contre la Russie, augmentant tant le nombre d’individus visés que d’industries. Les entreprises européennes doivent dorénavant obtenir une autorisation avant de fournir des services et logiciels en Russie.

Il faudra également continuer de suivre l’ajout de compagnies à l’Entity List (interdiction de vendre/acheter certaines technologies américaines), à l’Unverified List (compagnies qui seront ajoutées à la première liste si elles ne se conforment pas aux exigences américaines) et à l’Entity List établie spécialement en lien avec le travail forcé. Les États-Unis interdisent aussi depuis juin les investissements américains en Chine dans les secteurs des semiconducteurs, de l’informatique quantique et de l’intelligence artificielle (IA). Le nombre de secteurs visés est appelé à augmenter. En réaction, la Chine continuera d’ajouter des entreprises américaines ou occidentales au cours de 2024 à sa Unreliable List, mise en place en réaction à l’ajout d’entreprises chinoises sur l’Entity List américaine.

Les entreprises canadiennes doivent faire preuve de diligence accrue afin d’éviter de se retrouver sous ce feu croisé.

Différends commerciaux du Canada

Dans la deuxième moitié de 2024, Affilia s’attend à ce que les États-Unis engagent un différend avec le Canada quant à la Loi sur les nouvelles en ligne (projet C-18) en raison de mesures imposées à ses géants du numérique, notamment en lien avec les redevances qu’elles devront verser pour financier les médias canadiens. Ce différend concerne également la loi susmentionnée sur la mise en œuvre de l’énoncé économique 2023 qui prévoit notamment la mise en œuvre d’une taxe de 5 % sur les profits canadiens des géants du numérique. Le représentant américain au commerce a indiqué début juillet que les États-Unis feraient tout en leur pouvoir afin d’empêcher le Canada de taxer ses entreprises, ce qui devrait déboucher sur un différend sous l’ACÉUM. 

Le Canada emboîte le pas de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni en allant de l’avant unilatéralement en raison de l’échec de la mise en œuvre du premier pilier sur la taxation numérique négocié à l’OCDE, échec en partie attribuable à l’inaction des États-Unis. Ce projet prévoit de redistribuer les revenus des grandes entreprises du numérique. Le Canada et ses alliés prévoient abroger leurs propres taxes une fois le premier pilier l’OCDE effectif. Pour rappel, le deuxième pilier prévoyant un impôt corporatif minimal de 15 % est en passe d’être mis en œuvre, de plus en plus de juridictions s’y conformant.

Du côté du droit des investissements, il faudra surveiller l’issue de l’affaire Ruby River Capital c. Canada. Cette affaire tire son origine du rejet du projet GNL Québec par les gouvernements du Québec et du Canada entre 2021 et 2022. Cette affaire fait écho à celle engagée par Keystone XL contre les États-Unis. Dans les deux cas, la décision de mettre fin à ces projets à été prise après l’extinction de l’ancien ALÉNA, ce qui soulève des questions de compétence du mécanisme arbitral en vertu de l’ALÉNA.

Tensions commerciales avec la Chine 

Les tensions commerciales entre la Chine et l’Occident vont croissant, surtout en lien avec des produits que les pays occidentaux estiment indûment subventionnés. Les États-Unis ont imposé des tarifs de 100 % sur les voitures électriques et les cellules photovoltaïques chinoises. L’UE a de son côté un tarif de base de 10 % en place sur ces voitures et imposera des droits compensateurs allant de 17 à 38 % afin de mitiger l’effet des subventions chinoises. Le Canada leur applique pour l’instant un tarif de 6 %, mais vient de lancer une consultation — ouverte jusqu’au 1er août — afin de déterminer de pair avec l’industrie le type de mesures qui devront être prises. À l’issue de cette consultation, le Canada devra décider s’il applique de façon unilatérale des tarifs comme l’ont fait les États-Unis ou s’il suit l’exemple de l’UE et utilise comme pour n’importe quel autre produit la procédure relative aux droits antidumping ou compensateurs, conforme au droit international. Dans ce dernier cas, le Canada s’exposerait moindrement à des mesures de rétorsion chinoise susceptibles d’être particulièrement dommageables pour le secteur agricole canadien.

Dans le contexte des tensions commerciales actuelles, la Chine ne demeure cependant pas les bras croisés et l’unilatéralisme américain apparaît contre-productif comme il pousse certaines démocraties à renforcer leurs liens commerciaux avec la Chine malgré les approches de découplage ou de-risking prônées aux États-Unis et en Europe. En effet, le Japon et la Corée du Sud ont recommencé à négocier un accord de libre-échange avec la Chine qui était dans l’impasse depuis 2019, craignant l’unilatéralisme des États-Unis.

Impact des élections présidentielles américaines

L’élément phare en 2024 côté américain sera l’élection présidentielle de novembre. En cas d’élection de Donald Trump, le Canada devrait faire face à davantage de tarifs et autres mesures protectionnistes. L’équipe de Trump dont l’ancien représentant américain au commerce, Robert Lighthizer, propose de soumettre tous les biens entrant aux États-Unis à un tarif unique de 10 % qui s’ajouterait aux tarifs actuellement en vigueur. La Chine quant à elle serait sujette à un tarif de 60 % advenant que cette proposition se concrétise.

Dans cette hypothèse et bien que le Canada devrait arriver à s’y soustraire en tant que partenaire de libre-échange sous l’ACÉUM, les entreprises canadiennes devraient accélérer la diversification de leurs marchés et d’ores et déjà se préparer à devoir faire face à de nouveaux tarifs. Même si un tarif uniforme n’était pas appliqué, il serait somme toute probable que certaines de nos entreprises, notamment dans le secteur métallurgique, soient visées par des tarifs spéciaux.

Peu importe le résultat de l’élection, les États-Unis ont récemment adopté des mesures inédites prenant en compte le processus de fabrication des produits afin de déterminer s’ils ont bénéficié d’un avantage indu. Bien que cela soit prima facie illicite en vertu des Accords OMC, le Département du commerce américain pourra considérer une faible protection de la propriété intellectuelle, le non-respect des droits de l’Homme et des normes du travail ou encore de faibles normes environnementales comme des subventions indirectes ou avantages indus qui pourraient mener à l’adoption de droits compensateur ou antidumping.

Enfin, le Canada se prépare à la première révision (examen conjoint) de l’ACÉUM, qui doit être renégocié périodiquement, devant être réalisée en 2026.

Union européenne, CETA et taxe carbone

Les entreprises canadiennes devront continuer d’avoir à l’œil les pays européens en lien avec l’Accord économique global et commercial entre le Canada et l’UE (CETA), la France en particulier. En effet, l’ancienne majorité macroniste avait réussi à repousser les demandes à l’Assemblée nationale française quant à un vote sur l’Accord qui est pour l’heure appliqué provisoirement par le Canada et l’UE. Les deux nouvelles forces que sont le Nouveau Front populaire (plus grand nombre de sièges) et le Rassemblement national (plus grand nombre de voix exprimées) y sont toutes deux opposées et pourraient forcer un vote qui pourrait in fine mener à une mise en échec de l’Accord, ce qui aurait un impact sur les entreprises des deux côtés de l’Atlantique. En tout état de cause, l’Accord est pour l’instant appliqué de façon provisoire ce qui nuit au commerce entre le Canada et l’UE et entrave son bon fonctionnement étant donné l’impossibilité d’y apporter des correctifs techniques. Le Canada devra donc redoubler d’efforts afin de convaincre ses partenaires européens de ratifier l’Accord.

Les entreprises actives dans les secteurs métallurgiques, de l’industrie chimique, incluant les engrais, ou du ciment, doivent continuer à déclarer la teneur en émission CO2 de leurs produits exportés en UE et doivent se préparer à payer la taxe carbone européenne en fonction de leurs émissions. Pour l’heure les États ne s’entendent pas sur une méthodologie, bien que l’OCDE y travaille actuellement. L’UE a adopté les siennes en lien avec la mise en œuvre de son mécanisme d’ajustement. À terme le Canada et la plupart des pays développés devraient mettre en œuvre des mesures semblables. L’harmonisation ou les accords de reconnaissances quant à ces méthodologies seront d’une importance clef pour nos entreprises.

Considérations environnementales, sociales et de saine gouvernance (ESG)

L’adoption d’obligations de déclaration en lien avec des critères ESG et l’interdiction de certaines marchandises violant ces principes sont adoptées par un nombre croissant de pays, notamment l’Australie, Singapour ou la Suisse, en sus des principaux partenaires du Canada que sont les États-Unis, l’UE et le Royaume-Uni. Les entreprises canadiennes actives à l’étranger ont donc tout intérêt à s’y conformer afin de maximiser leurs opportunités d’affaires et s’assurer de leur conformité réglementaire. En pratique, cela signifie qu’un nombre croissant d’entreprises doit produire des rapports spécifiques ou fournir l’impact ESG de leurs opérations dans leurs rapports annuels.

Le Conseil international des normes de durabilité (ISSB – International Sustainability Standards Board), ayant pris forme lors de la COP26 en 2021, a récemment adopté de nouvelles normes en matière d’information, les normes IFRS1 et IFRS2, respectivement liées aux critères de durabilité et au changement climatique. Les normes de l’ISSB visent notamment la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et d’autres informations quant à la protection de l’environnement qu’une entreprise devrait rendre public. Le pendant de l’ISSB au Canada, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité a annoncé que les normes S1 et S2 pourront être mises en œuvre au Canada par les entreprises qui le souhaitent à partir du premier janvier 2025, ce qui pourrait les aider sur le trajet de la croissance verte.

En sus, la loi sur l’exécution de l’énoncé économique fédéralde 2023 susmentionnée prévoit notamment un resserrement du cadre législatif afin de restreindre des pratiques frauduleuses comme le « greenwashing ». La loi interdit dorénavant de faire des représentations quant aux bénéfices environnementaux ou à la mitigation environnementale qui ne « reposent pas sur une preuve suffisante et appropriée ». Les grandes banques et les compagnies d’assurances ont également dorénavant l’obligation d’informer leurs partenaires quant à leurs paramètres ESG, notamment afin de prévenir ledit « greenwashing ».

Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission a adopté au printemps 2024 de nouvelles règles de divulgation quant à l’impact climatique des activités corporatives des entreprises, ce qui contribuera à accroître la transparence et l’effectivité des normes ESG. La SEC a pour l’instant décidé de surseoir à ces règles en raison de contestations judiciaires ; elles devraient toutefois redevenir applicables courant 2024. Affilia rappelle également que le nouveau règlement de l’UE quant aux normes ESG définit douze normes à propos desquelles les entreprises visées ont des obligations réglementaires. Le Conseil de l’UE a adopté récemment une nouvelle directive (CS3D) qui prévoit des obligations de vigilance dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises européennes, notamment en matière de travail forcé, d’environnement et de transparence.

Au Canada, les entreprises canadiennes avaient jusqu’au 31 mai 2024 afin de soumettre leur rapport quant aux mesures prises pour contrer le risque de travail forcé ou de travail des enfants. Le gouvernement a toutefois indiqué qu’il était possible de faire rapport après « la date limite législative ». Le gouvernement a en outre indiqué dans le budget 2024 qu’il souhaitait prendre de nouvelles mesures afin d’éradiquer ce type de travail des chaînes d’approvisionnements canadiennes.

Les mesures canadiennes devraient à terme ressembler à celles prises aux États-Unis. La surveillance contre le travail forcé dans ce pays montre qu’il est important pour les entreprises de prendre leurs obligations au sérieux. Des voitures de marques allemandes comme Volkswagen ont notamment été interdites d’importation aux États-Unis, car contenant des composantes produites à l’aide du travail forcé au Xinjiang.

Initiative environnementale dans l’industrie maritime

En lien avec des mesures environnementales, il faudra être attentif aux développements au sein de l’Organisation maritime internationale alors que les négociations entre États se poursuivent quant à l’adoption d’une éventuelle taxe environnementale sur le fret, ce qui devrait faire augmenter le coût du transport maritime au cours des prochaines années.

Cependant, il convient de ne pas oublier que des mesures environnementales adoptées partout à travers le monde peuvent fournir des opportunités d’affaires aux entreprises canadiennes. En effet, outre les pays européens, les États-Unis et le Canada, de plus en plus de pays, effectuent des investissements massifs afin d’accélérer leur virage vert. C’est notamment le cas de l’Australie, ayant adopté un mini IRA, et du Maroc, offrant de nombreuses perspectives dans certains domaines comme l’hydrogène vert.

Un groupe de pays, Costa Rica, Islande, Nouvelle-Zélande et Suisse, vient par ailleurs de conclure un Accord sur le changement climatique, le commerce et la durabilité qui vise notamment à utiliser le droit et les politiques commerciales afin de réduire leurs émissions et le changement climatique. L’Accord prévoit notamment la suppression de droits de douane sur des produits environnementaux comme les panneaux solaires, les turbines, les services environnementaux, l’élimination des subventions aux énergies fossiles. Le Canada devrait à terme se joindre à de tels Accords lorsqu’il aura cessé de subventionner les énergies fossiles.

Organisation mondiale du commerce (OMC)

L’OMC a tenu sa treizième conférence ministérielle en février à Abu Dhabi lors de laquelle les Comores et Timor Leste ont joint l’organisation. Cependant, l’OMC ne sera pas le théâtre de grands changements d’ici la fin de l’année.

Les initiatives conjointes dont celle sur les subventions aux combustibles fossiles et quant à la réglementation interne des services devraient continuer d’enregistrer des progrès en 2024. L’initiative sur la facilitation de l’investissement, dont la Chine est le fer de lance — initiative qui devait normalement déboucher sur un accord plurilatéral lors de la dernière conférence ministérielle — a toutefois été torpillé par l’Inde. L’Inde fait preuve d’une obstruction croissante à l’OMC, y compris en lien avec la négociation du deuxième accord sur les subventions à la pêche. Le premier accord régulant ce type de pêche devrait toutefois entrer en vigueur d’ici la fin de l’année, 78 membres l’ayant ratifié sur les 109 nécessaires à son entrée en vigueur.

Enfin, il est à noter que la Chine a demandé l’établissement de groupes spéciaux visant les États-Unis en raison des subventions au titre de l’Inflation Reduction Act qu’elle juge discriminatoire et en raison des restrictions au commerce des semi-conducteurs. La Chine devrait également porter plainte à l’OMC contre le Canada, l’UE et les États-Unis en lien avec les tarifs ou droits qui ont été ou pourraient être mises en place vis-à-vis des voitures électriques chinoises. Les plaintes contre les États-Unis ne sont cependant que politiques en raison du blocage de l’Organe d’appel de l’OMC. Le Canada et la Chine participant tous deux au mécanisme de règlement des différends alternatifs (AMPA/MPIA), Affilia rappelle l’importance pour le Canada de continuer sur la voie de la licéité internationale en respectant les Accords OMC tout en contribuant à préserver la stabilité du système commercial international.

Propriété intellectuelle et intelligence artificielle

La deuxième moitié de 2024 devrait être pavée de nouvelles mesures quant à l’intelligence artificielle de par le monde. En avril, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté sa première résolution, 78/49, quant à l’IA afin d’encourager la coopération internationale en la matière.  

L’UE a adopté la première loi au monde sur l’intelligence artificielle fin mai. Les producteurs, opérateurs, importateurs, etc., d’IA auront des obligations supplémentaires en termes de protection des données et certains types d’IA ainsi que certaines manifestations, p. ex., les deepfakes, ont également été interdits. La loi rappelle également l’obligation pour les opérateurs d’IA de respecter les protections existantes quant à la propriété intellectuelle, aux secrets commerciaux et autres informations confidentielles.

L’IA pose également beaucoup de questions en lien avec le droit d’auteur puisque la plupart des lois existant dans le monde ne protègent que les créations humaines et non autonomes. Pour l’instant il n’est pas clair si cette définition est amenée à changer, mais le US Patent and Trademark Office a pour l’instant confirmé qu’une création par intelligent artificielle ne pouvait être protégée par les lois américaines sur le droit d’auteur. D’autres pays comme le Royaume-Uni octroient toutefois une telle protection aux œuvres réalisées sans intervention humaine. Il faudra donc rester attentif aux développements dans ce domaine et à une éventuelle harmonisation législative.

Au Canada, de telles créations ne sont pour l’heure pas protégées, mais le pays a envoyé des signaux contradictoires quant à ses intentions futures. L’IA ne concerne pas que le droit de la propriété intellectuelle, le Canada récemment tenu des consultations quant à l’impact de l’IA sur la concurrence au Canada afin d’adapter son régime législatif à cette nouvelle réalité. Le gouvernement a par ailleurs lancé de nouvelles consultations sur l’IA et invite les entreprises et particuliers à se prononcer sur la stratégie que devrait adopter le Canada d’ici au 6 septembre 2024.

Autrement, de nouveaux États européens, dont l’Irlande, devraient rejoindre la Juridiction unifiée du brevet de l’Union européenne (Unified Patent Court), établie à l’été 2023, et à laquelle 17 États européens se sont joints jusqu’à maintenant.

Conseils pratiques Affilia

Compte tenu de ces développements anticipés pour la deuxième moitié de 2024, les entreprises canadiennes auront avantage à :

1. Veiller à disposer des données nécessaires afin de se conformer à tout type d’obligation de vigilance requise, p. ex., obligation de déclarations en matière ESG, d’inscription au registre sur les agents étrangers, etc. Il convient de prendre au sérieux ces exigences, non seulement par souci de conformité réglementaire, mais également afin d’éviter de mauvaises surprises, p. ex., saisi de biens en douane ou d’éventuelles interdictions d’importation ;

2. En particulier, elles devraient vérifier si elles sont assujetties à la nouvelle loi canadienne contre le travail forcé et des enfants, et le cas échéant, s’assurer de produire le rapport correspondant le plus rapidement possible ;

3. S’assurer qu’elles respectent le cadre des sanctions canadiennes (pays, produits visés, etc.) et les cadres européens et américains, incluant les listes de type Entity List, lorsqu’elles ont des activités importantes dans ces pays ou y exportent beaucoup. Les compagnies actives dans la fourniture de services, en particulier en lien avec les technologies et le multimédia, devraient évaluer si leurs activités sont visées par de nouvelles batteries de sanctions ;

4. Vérifier cet automne si les industries dans lesquelles elles opèrent sont incluses dans les secteurs sensibles appelés à être désignés par le gouvernement du Canada au titre de la nouvelle mouture de la loi sur l’investissement ;

5. Se préparer à faire face à des mesures de rétorsion chinoise, notamment dans le secteur agricole, advenant l’adoption de tarifs sur les véhicules électriques chinois par le gouvernement du Canada ;

6. Être prudentes si elles acquièrent des actifs saisis appartenant au gouvernement russe ou à des individus de nationalité russe, en particulier si ces actifs seront appelés à circuler en dehors du Canada ou des États-Unis ;

7. Avoir à l’œil les développements qui pourraient avoir lieu aux États-Unis à la suite de l’élection de novembre et qui pourraient entraîner l’imposition de nouveaux tarifs douaniers par les États-Unis et à beaucoup d’imprévisibilité sur ce plan ;

8. Participer aux consultations pertinentes du gouvernement canadien, p. ex., quant à l’opportunité d’imposer des droits compensateurs sur les voitures électriques chinoises, quant aux futurs secteurs désignés comme « sensibles » ou en lien avec l’intelligence artificielle.

Affilia se tient prête à assister les entreprises ayant des doutes quant aux obligations leur incombant en lien avec la divulgation ESG, le travail forcé, ou les régimes de sanctions ou des obligations au titre de la sécurité nationale, p. ex., inscription au registre des agents étrangers ou lors des processus de consultations. Pour plus d’informations sur ces développements et sur l’impact potentiel qu’ils peuvent avoir sur vos activités, n’hésitez pas à nous contacter.




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