Prévisions CMKZ 2023 en droit du commerce international

Canada | Région Indo-Pacifique | Sécurité nationale | Propriété intellectuelle | Chine | Différends commerciaux | Énergie | États-Unis | Buy America | Union européenne | Organisation mondiale du commerce | Droit privé | Conseils aux entreprises

CMKZ remercie André-Philippe Ouellet, Collaborateur CMKZ, et Bernard Colas pour la préparation de ces prévisions.

Ce début d’année est l’occasion de faire le point sur les développements en droit du commerce international à anticiper en 2023 et qui sont susceptibles d’affecter nos entreprises actives à l’étranger.

L’année 2023 sera surtout marquée par la redéfinition par les pays occidentaux de leurs alliances économiques et des mesures destinées à accroître la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à limiter leur dépendance aux produits et ressources de pays rivaux et les risques minant leur sécurité nationale.

Canada 

En s’appuyant sur sa nouvelle stratégie pour l’Indo-Pacifique dévoilée en novembre 2022, le Canada ambitionne cette année d’accroître les liens économiques qu’il entretient dans cette région tout en accroissant sa sécurité nationale.

  • Intensification des relations économiques dans la région Indo-Pacifique

Un des piliers de la stratégie canadienne concerne l’accroissement et le renforcement du commerce, des investissements et de la résilience des chaînes d’approvisionnement dans la région Indo-Pacifique. Pour se faire, le Canada s’appuiera sur ses accords actuels comme le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTGP) et en cherchant à en conclure de nouveaux dans la région. Dans la même veine, le Canada pourrait appuyer Taiwan dans son désir de joindre le PTGP. Cela devrait mener à un désengagement accru des États-Unis et du Canada en Chine via la constitution de réseaux parallèles (découplage) en raison d’initiatives semblables aux États-Unis.

En 2023, le Canada intensifiera ses négociations en vue de conclure un accord de libre-échange avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), ce qui accroîtrait les échanges avec de nouveaux partenaires comme l’Indonésie, les Philippines et la Thaïlande. Le Canada a d’ailleurs officieusement prorogé les négociations bilatérales avec ces pays afin de se concentrer sur la conclusion d’un accord avec l’ANASE. L’autre pilier de cette stratégie est l’Inde, pays s’étant lancé depuis peu dans une course aux accords internationaux après des années d’isolationnisme protectionniste. Le Canada ambitionne de conclure avec l’Inde cette année un accord commercial des premiers progrès (Early Progress Agreement). Cet accord intérimaire couvrirait notamment certains biens et services et devrait à terme prendre la forme d’un accord de Partenariat global.

Il est à noter qu’en raison des tensions croissantes, de nombreux États asiatiques, dont Singapour, en appellent à l’esprit de Bandung. Ceux-ci désirent mettre sur pied un bloc de pays non-alignés souhaitant éviter les affres d’une guerre commerciale entre la Chine et l’Occident, ce qui pourrait miner la stratégie du Canada et des États-Unis dans la région.

En dehors de l’Asie, le Canada effectuera des consultations au pays afin de sonder l’opportunité de conclure un accord de libre-échange avec l’Équateur. Le Canada a donc une stratégie de libre-échange plus active que celle des États-Unis et devrait pouvoir ravir des parts de marchés dans ces États alors que les États-Unis tardent à négocier.

  • Élargissement des sanctions et protection de la sécurité nationale canadienne

Les entreprises devraient demeurer à l’affût des sanctions adoptées par le gouvernement canadien en 2023, celui-ci étant l’un des plus actifs au monde en cette matière. Les entreprises ayant des liens directs ou indirects avec l’Iran devraient être prudentes. En raison de troubles dans ce pays, le Canada a réactivé et mis en place de nouvelles sanctions depuis la détente qui s’était amorcée en 2016.

De plus, le gouvernement fédéral a entrepris de modifier la loi canadienne sur l’investissement en ajoutant plusieurs critères liés à des questions de sécurité nationale. Ainsi, les investisseurs étrangers acquérant des investissements jugés sensibles, p. ex. dans le secteur technologique, des données personnelles, ou des métaux critiques, devront faire approuver ces transactions par le gouvernement. Un tel avis devra également être déposé lorsqu’une participation étrangère serait majoritaire. Le gouvernement pourra imposer (i) des pénalités aux entreprises et investisseurs omettant de se conformer à la loi, (ii) des conditions à respecter pendant l’étude de la demande, et (iii) des conditions afin qu’un investissement aille de l’avant ou plus simplement apposer son veto. La mouture finale de la loi devrait être finalisée au printemps 2023.

Il en va de même pour les entreprises important des intrants depuis la Chine et d’autres pays à risque. Les biens en provenance de Chine devraient faire l’objet d’une surveillance accrue en 2023 avec l’adoption de règles plus contraignantes au Canada contre le travail forcé. Il est à noter que depuis peu, le gouvernement fédéral peut mettre fin à tout contrat public s’il découvre que certains biens sont le fruit du travail forcé. En sus, le projet de loi S-211 sera vraisemblablement adopté au printemps 2023. Ce projet imposerait des obligations supplémentaires aux entreprises visées (p. ex., plus de 40 millions en revenus annuels) qui devraient notamment mettre en place un régime de diligence requise et soumettre des rapports au gouvernement afin de s’assurer de ne pas utiliser de biens issus du travail forcé ou du travail des enfants. Cela s’inscrit dans la tendance internationale, les États-Unis saisissant un nombre croissant de cargaisons, et l’Allemagne ayant mis en place l’obligation pour les entreprises de respecter un processus de diligence requise vis-à-vis de violations du droit de l’environnement et des droits de la personne, dont le travail forcé.

Les entreprises ont également intérêt à avoir à l’œil le développement et la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone à la frontière par le Canada, qui, selon sa configuration, pourrait affecter leur approvisionnement en intrants.

  • Protection de la propriété intellectuelle

En application de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACÉUM), le Canada a allongé à partir du 30 décembre 2022 la durée de la protection des droits d’auteurs de 20 ans afin qu’ils soient protégés pendant 70 ans après la mort d’un auteur plutôt que 50 ans auparavant.

Il est prossible que le Canada renforce encore davantage son régime de propriété intellectuelle afin de s’arrimer davantage au Protecting American Intellectual Property Act adopté en janvier 2023. Cette nouvelle loi permet aux entreprises américaines de dénoncer plus facilement le vol de secrets commerciaux. Les ramifications devraient être importantes comme toute entité ayant concouru à un vol de secret commercial, p. ex., en fournissant des biens et services, pourra faire l’objet de sanctions dont des interdictions d’exportation, des restrictions bancaires et des gels d’avoirs. Les compagnies canadiennes devraient éviter de faire des affaires avec des entités ou des individus qui seront inscrits sur la liste américaine devant être établie au titre de cette loi, afin d’éviter de devenir elles-mêmes l’objet de sanctions.

Tensions avec la Chine

Les relations commerciales entre la Chine et le Canada devraient s’assombrir encore davantage en 2023 en raison de la stratégie pour l’Indo-Pacifique canadienne, perçue comme agressive par la Chine. Bien que la Chine desserre en ce moment son étau sur l’Australie—les importations de vin et de charbon devraient reprendre progressivement—ses manœuvres de rétorsion montrent la sensibilité de cet État à certaines mesures perçues comme des affronts. Il convient à cet égard de rappeler que la Lituanie a été l’objet de fortes mesures de rétorsion commerciale en raison de l’ouverture d’une délégation taïwanaise à Vilnius en 2021. Bien que le Canada soit un plus grand joueur que cet État de l’UE, il est probable qu’il fasse l’objet de mesures commerciales de rétorsion en 2023.

En sus, les entreprises canadiennes ont intérêt à porter attention aux entreprises chinoises ajoutées à l’entity list américaine, surtout lorsqu’elles font affaire aux États-Unis.

Différends commerciaux du Canada 

En matière de règlement des différends, cette année sera mouvementée pour le Canada. Il y a d’abord de nombreux contentieux en cours ou sujets à réactivation avec les États-Unis. Sur les versants offensifs, comme à l’habitude, les tarifs américains sur le bois d’œuvre seront à l’ordre du jour du nouvel ACÉUM. Dans le domaine de l’automobile, le Canada et le Mexique ont récemment remporté une victoire sur les États-Unis. En effet, un groupe spécial de l’ACÉUM a tranché en faveur d’une interprétation large de l’obligation de contenu local afin que davantage de pièces comptent dans l’atteinte du 75 % de contenu local exigé afin que des véhicules puissent être exportés sans droit de douane entre les trois pays. Le Canada devrait donc être partiellement à l’abri du protectionnisme automobile américain, bien que les États-Unis n’excluent pas de prendre de nouvelles mesures ou de s’opposer à la décision. En outre, le Mexique a annoncé qu’il restreindrait fortement les importations de maïs génétiquement modifié ce qui pourrait pousser le Canada et les États-Unis à amorcer un nouveau différend sous l’ACÉUM.

Du côté défensif, en 2023, le Canada devra probablement défendre la réforme numérique canadienne à l’étude dans le projet de loi C-11, les États-Unis estimant que les obligations en lien avec le contenu local pour les plateformes de diffusion en continu (streaming­) pourraient contrevenir à l’ACÉUM comme il constituerait une discrimination à l’égard de compagnies américaines comme Netflix et Google. Il en va de même pour la gestion des quotas laitiers canadiens aux États-Unis ; ce dernier État demeurant insatisfait des dernières décisions rendues sous l’ACEUM. Le principal point d’achoppement a trait aux entités disposant des quotas, le Canada estimant que ses transformateurs peuvent choisir de qui ils importent alors que les États-Unis estiment que ce sont les producteurs américains qui doivent gérer ces quotas.

Mesures relatives à l’énergie

Bien que le président mexicain ait affirmé qu’il n’y ait plus de problème en cette matière, les entreprises canadiennes œuvrant au Mexique devraient redoubler de prudence en raison de mesures protectionnistes et de nationalisation d’entreprises mise en place par ce pays dans les secteurs minier et de l’énergie, particulièrement en lien avec l’extraction du lithium. Il s’agit d’un véritable coup de massue, de nombreuses entreprises et investisseurs canadiens pourraient être touchés, ayant investi ces secteurs de façon importante depuis la libéralisation—de courte durée—de ces secteurs en 2013. Ces réformes mettent particulièrement à risque les investissements verts dans le pays. Le Canada et les États-Unis pourront recourir au mécanisme de règlement des différends de l’ACÉUM en cas de besoin, de même que les investisseurs canadiens au titre du PTGP.

Les entreprises énergétiques canadiennes ayant des filiales dans des pays parties à la Charte de l’Énergie—traité prévoyant entre autres choses la possibilité d’arbitrages contraignants entre investisseurs et États parties—devraient suivre l’évolution de cet accord de près. En effet, en dépit des discussions visant à « verdir » l’accord, de plus en plus d’États s’en retireront en 2023, notamment en raison de la guerre en Ukraine, dont l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Pologne et les Pays-Bas. Un nouveau traité plus respectueux de considérations environnementales et excluant la Russie devrait à terme voir le jour.

Dans la foulée de l’entente de principe entre le Canada et l’Allemagne quant à la fourniture d’hydrogène—en vertu de laquelle le Canada exporterait de l’hydrogène vers ce pays à partir de 2025—il est intéressant de mentionner que l’UE a revu les critères pour que l’hydrogène soit certifié comme « vert ». Les critères sont dorénavant moins stricts, l’hydrogène canadien devrait pouvoir bénéficier largement de cette certification.

Politique commerciale multifonctionnelle des États-Unis

Les États-Unis devraient affiner leur stratégie IPEF (Indo-Pacific Economic Framework for Prosperity) en 2023. Contrairement à un bloc ou accord commercial traditionnel, l’IPEF vise plutôt à servir de structure communicationnelle et à préparer le terrain pour de nouveaux accords contraignants entre les 14 États y participant. Le Canada devrait selon toute vraisemblance se joindre à ce cadre stratégique au cours de l’année.

Il faudra également surveiller l’annonce des grandes lignes de l’APEP (Americas Partnership for Economic Prosperity) qui seront dévoilées par le président Biden au cours des premiers mois de 2023. Ce partenariat auquel participent le Canada et des pays du continent américain devrait toutefois ressembler à l’IPEF davantage qu’à un accord traditionnel. Ce type d’accords commerciaux qualifié de multifonctionnel (multi-purpose) devrait se multiplier au cours des prochaines années. Et ce, comme les États, surtout occidentaux, ne désirent plus favoriser le primat du commerce sur d’autres objectifs, comme la sécurité nationale ou la résilience des chaînes d’approvisionnement.

Mesures protectionnistes américaines

Les États-Unis ont annoncé une large offensive en lien avec les semi-conducteurs, souhaitant que le marché américain soit approvisionné à l’interne ou par le biais de ses proches partenaires, et ce, en raison des risques sécuritaires inhérents à un approvisionnement en provenance d’Asie (p. ex., Chine et Taiwan). Les subventions annoncées par les États-Unis sont massives, ce qui accroît les tensions avec la Chine, mais aussi avec l’UE, en raison de l’unilatéralisme américain. Le rôle du Canada via l’IPEF et l’ACÉUM reste toujours à définir, mais celui-ci devrait surtout être lié à l’approvisionnement en métaux rares pour produire les puces électroniques, dont l’indium.

De plus, les larges programmes de subventions américains en lien avec les semi-conducteurs, l’automobile et la relance verte seront une source importante de tensions commerciales en 2023. Au premier chef entre les États-Unis, la Chine, mais aussi l’UE et le Japon qui, bien qu’appartenant au bloc occidental, n’ont pas obtenu de garanties équivalentes à celle octroyée au Canada pour leurs produits, p. ex. dans le secteur automobile.

Depuis le 2 janvier 2023, les projets d’infrastructure financés par des financements fédéraux américains sont soumis aux préférences du Build America, Buy America Act (« BABAA ») qui obligent les bénéficiaires de ces financements de n’acheter que du fer et de l’acier, des produits manufacturés (avec +55 % des coûts de composantes américaines) et du matériel de construction fabriqués aux États-Unis. Pour l’heure, le Canada n’a obtenu aucune exemption. En 2023, des dérogations (waivers) d’intérêt général et spécifiques devraient être adoptées afin d’écarter l’application des préférences BABAA en certaines circonstances. Avant d’être adoptées, les agences fédérales publient les projets de dérogation afin de recevoir les commentaires du public puis soumettent la demande de dérogation au Made in America Office pour adoption.

Stratégie commerciale de l’Union européenne

Avec la mise en place d’ici octobre 2023 du mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières, les entreprises œuvrant dans le secteur de l’acier, de l’aluminium et d’autres produits visés auront à produire une déclaration contenant l’estimé de densité carbone de leurs produits importés en UE.

Un accord préliminaire a été trouvé quant au commerce et à la déforestation, ce qui obligera les compagnies exportant vers l’UE à effectuer des contrôles de diligence requise afin de s’assurer que les produits vendus ne soient pas issus de la déforestation. Les États producteurs de denrées tropicales seront principalement affectés, mais les compagnies canadiennes exportant du bois ou des produits en bois vers l’Europe pourraient l’être également, ces produits étant couverts par la loi qui devrait être adoptée courant 2023.

En 2023, l’UE risque d’affûter ses instruments commerciaux anti-coercition et elle devrait principalement les utiliser en réaction aux mesures protectionnistes américaines, dont le US Inflation Reduction Act subventionnant largement son industrie. Cela alimentera donc le climat d’incertitude dans le domaine commercial, l’UE pourrait notamment décider de mettre en place des sanctions ou de mettre en place ses propres subventions afin de stimuler son secteur automobile. Ces mesures devraient également servir l’UE dans son différend avec la Chine quant au traitement défavorable de la Lituanie.

La ratification de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’UE progresse, l’Allemagne l’ayant récemment ratifié. La ratification de l’accord est une étape clef, celui-ci n’étant pour l’heure que mis en œuvre provisoirement, ce qui exclut bon nombre de domaines, dont l’arbitrage investisseur-État prévu au titre de l’accord. L’accord pourrait toutefois demeurer sous sa forme provisoire encore plusieurs années en raison de l’opposition de certains pays, dont l’Italie, la France et les Pays-Bas. D’autres États comme l’Irlande, pourtant favorable en principe, pourraient également mettre du temps à ratifier l’accord, l’arbitrage investisseur-État posant de délicates questions constitutionnelles qui pourraient nécessiter l’organisation d’un référendum.

Enfin, il convient de mentionner que l’UE ratifiera potentiellement en 2023 l’accord de libre-échange qu’elle a conclu avec le Brésil en raison du réchauffement des relations entre Bruxelles et Brasilia faisant suite à l’élection du nouveau gouvernement brésilien.

Différends commerciaux à l’Organisation mondiale du commerce (OMC)

Les mesures prises au titre de la sécurité nationale pour restreindre les échanges devraient se multiplier en 2023. Au cours des dernières années, l’exception de sécurité du GATT a été invoquée dans plusieurs affaires, dont celles sur les droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium qui se sont soldées fin 2022 par plusieurs décisions défavorables aux États-Unis. Un groupe spécial devrait rendre sous peu son rapport quant à la plainte de la Russie contre les tarifs américains. Il est possible que celui-ci justifie les mesures américaines vis-à-vis de la Russie en raison d’une vive tension internationale entre ces deux États. À suivre !

Malgré le blocage persistant du système de règlement des différends, l’AMPA a rendu sa première décision arbitrale et devrait entendre un nombre croissant d’appels en 2023. Les États-Unis ne participant pas au mécanisme d’appel provisoire, il est toutefois probable que les rapports condamnant ses mesures dans le domaine de l’acier et de l’aluminium restent lettre morte. Malgré plus de soixante propositions de réforme, le système de règlement des différends de l’OMC ne devrait pas faire l’objet de réforme en 2023.

Il sera également intéressant de suivre les procédures initiées contre la Chine par l’UE—deux membres participant à l’AMPA—quant au traitement défavorable qu’elle a imposé à la Lituanie suite à son rapprochement avec Taiwan ainsi qu’un autre différend visant à faire cesser des violations de la propriété intellectuelle européenne en Chine.

Par ailleurs, la Chine a engagé des discussions contre les mesures américaines sur les semi-conducteurs qu’elle juge discriminatoires. Ce programme de subventions américain apparaît prima facie incompatible avec les accords de l’OMC. Cela ne devrait toutefois pas avoir de conséquences pratiques étant donné le blocage du règlement des différends à l’OMC et la non-participation des États-Unis à l’AMPA. Participant à cet accord provisoire, le Canada devra être très prudent en lien avec sa participation au cadre posé par les Américains en matière de semi-conducteurs.

Avancées à l’OMC

À l’OMC, le Canada suivra de près la mise en œuvre de l’initiative conjointe sur la réglementation intérieure dans le domaine des services qui devrait devenir effective en 2023. Ce groupe de négociation, auquel participe le Canada, compte 59 participants représentant près de 90 % du commerce mondial des services. Les membres participant à l’initiative se sont entendus pour réduire les frais d’exploitation des fournisseurs de services, notamment en lien avec les licences, la qualification et les normes techniques. Ces engagements ne peuvent toutefois pas se concrétiser tant que les procédures de certification nationales des différents participants n’ont pas été complétées. Il est toutefois possible que l’Inde et l’Afrique du Sud bloquent le processus afin d’obtenir des concessions supplémentaires comme elles l’ont souvent fait au cours des dernières années.

La plupart des autres initiatives conjointes poursuivront leur travail en 2023, mais ne devraient pas mener à de résultats tangibles, hormis l’initiative sur la facilitation des investissements pour le développement qui devrait enfin déboucher sur un texte de négociation.

Les Membres de l’OMC tenteront d’élargir la Décision sur les ADIPC—octroyant une dérogation en matière de propriété intellectuelle—afin d’étendre la dérogation au matériel permettant le diagnostic et le traitement du COVID.

En 2023, le Brésil deviendra normalement partie à l’Accord sur le commerce des aéronefs civils. Le Canada étant partie à cet accord, cette participation pourrait constituer tant un risque qu’une opportunité ; l’accord ayant notamment pour effet d’éliminer les droits de douane sur des pièces comme des moteurs et sur de l’équipement comme les simulateurs de vol.

Enfin, le Timor Leste devrait accéder à l’OMC en 2023, alors que les procédures d’accession de l’Ouzbékistan et de Curaçao devraient progresser.

Droit privé 

Du côté du droit privé, un protocole d’UNIDROIT sur les garanties internationales portant sur du matériel roulant ferroviaire devrait entrer en vigueur. Des progrès sont à prévoir en vue de l’adoption de la loi type sur l’affacturage, des principes de procédures effectives d’exécution (des jugements), et d’un projet concernant la compétence des tribunaux.

Conclusions 

Ainsi en 2023, les entreprises auront intérêt à porter attention à :

  1. La mise en œuvre de la stratégie canadienne pour l’Indo-Pacifique et aux discussions commerciales avec l’ANASE, l’Inde et l’Équateur et à son intérêt pour l’IPEF (Indo-Pacifique) et l’IPEP (Amériques) promus par les États-Unis ;
  2. L’élargissement (i) des sanctions contre l’Iran, la Russie et la Chine, (ii) de la liste de produits et technologies interdits d’exportation vers des pays à risque, (iii) de l’interdiction d’importer des produits issus du travail forcé ou du travail des enfants et (iv) des entités se trouvant sur la liste de contrevenants à la propriété intellectuelle aux États-Unis ;
  3. L’approbation préalable des investissements étrangers au Canada dans des secteurs jugés sensibles ou en cas de prise de contrôle d’une entreprise ;
  4. Les pressions contre les mesures protectionnistes du Mexique relatives au secteur minier et énergétique et aux importations de certains produits OMG comme le maïs ;
  5. Les préférences américaines dans les financements fédéraux destinés aux projets d’infrastructure et à la construction ainsi qu’aux semi-conducteurs, à l’automobile et à la relance verte, et les réactions respectives du Canada, de l’Union européenne, du Japon et de la Chine à ces mesures ;
  6. Les frictions avec les États-Unis sur le bois d’œuvre, la gestion des quotas laitiers, l’obligation de contenu local des automobiles et la réforme numérique canadienne ;
  7. Les déclarations et obligations de diligence requise relatives à la déforestation et à la densité carbone que l’Union européenne prévoit imposer respectivement aux importateurs de produits liés à la déforestation et de produits à haute densité carbone (p. ex. l’acier et l’aluminium) ;
  8. Les progrès dans la mise en œuvre interne des membres de l’OMC relatives à la réglementation intérieure dans le domaine des services ; ainsi que des progrès à l’OMC dans les négociations quant (i) aux investissements pour le développement et (ii) à une dérogation de propriété intellectuelle quant aux produits de diagnostic et de traitement du COVID ;
  9. Les débouchés potentiels pour le secteur aéronautique canadien au Brésil ;
  10. Les décisions de l’AMPA et les différends à l’OMC notamment contre les pays ayant adopté des restrictions commerciales pour des raisons de sécurité nationale ;
  11. Les développements d’UNIDROIT relatifs aux sûretés dans le domaine ferroviaire et de l’affacturage et à la compétence des tribunaux ainsi qu’à l’exécution des jugements étrangers.

Pour plus d’informations sur ces développements et sur l’impact potentiel qu’ils peuvent avoir sur vos activités, n’hésitez pas à contacter Bernard Colas ou l’un de nos autres avocat(e)s de CMKZ spécialisés en droit du commerce international.

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