Prévisions CMKZ 2020 en droit du commerce international

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Ce début d’année est l’occasion pour faire le point sur les développements à anticiper en 2020 en droit du commerce international susceptibles d’affecter nos sociétés actives à l’international.

À la suite de deux années de négociations actives du Canada avec les États-Unis, l’Union européenne (UE) et les pays du Pacifique, la mise en œuvre de ces accords devrait conduire à une période de consolidation de ses acquis pour le Canada. Les difficultés qu’essuie le système multilatéral commercial sont également annonciatrices d’une nouvelle ère beaucoup plus prompte aux sanctions et autres mesures unilatérales. Selon CMKZ, l’année 2020 sera particulièrement marquée par les évènements suivants :

Accords commerciaux

Le Canada devrait ratifier rapidement l’Accord de libre-échange Canada États-Unis Mexique (ACEUM) en début d’année à la suite de l’approbation du dépôt de la loi de mise en œuvre par la Chambre des communes en janvier. Les États-Unis et le Mexique ayant déjà ratifié l’accord, celui-ci entrera en vigueur trois mois après la ratification par le Canada ; soit environ d’ici mai 2020. L’entrée en vigueur de l’ACÉUM entraînera différents changements. Elle viendra notamment modifier les quotas laitiers alloués aux partenaires du Canada et le Canada perdra son accès privilégié aux marchés publics des États-Unis dorénavant régi uniquement par le droit de l’OMC. Le mécanisme de règlement des différends État-Investisseurs du nouvel accord ne s’applique pas au Canada. Quant au régime de propriété intellectuelle, la durée de protection passera de 50 à 70 ans pour les œuvres artistiques, littéraires et autres.

Bien que certaines négociations suivent leur cours avec d’autres États, le Canada ne devrait normalement pas conclure de nouveaux accords commerciaux en 2020. Les négociations entre le Canada et le Mercosur ne devraient pas mener à des résultats tangibles en 2020 compte tenu notamment de l’élection d’un gouvernement péroniste en Argentine. Les négociations en cours du Canada d’une part avec l’ASEAN et d’autre part avec l’Alliance Pacifique demeurent toutefois à surveiller.

Les relations sino-canadiennes devront également être tenues à l’œil en 2020. Certains produits exportés en Chine comme le canola et le porc ayant été subrepticement visés par des mesures sanitaires chinoises, le Canada a demandé l’établissement d’un groupe spécial à l’OMC. Il est fort probable que le Canada tente en 2020 de développer une « troisième voie » dans ses relations avec la Chine et les États-Unis. Un nouveau positionnement stratégique du Canada semble essentiel afin d’éviter de subir à nouveau les conséquences de tirs croisés entre les deux super Puissances.

La négociation d’accords bilatéraux d’investissements avec la Géorgie et le Qatar ainsi que le processus de signature du traité entre le Canada et les Émirats arabes unis devraient aussi avancer en 2020.

États-Unis

Les élections américaines de 2020 seront à surveiller, la politique commerciale du président Trump étant au centre de sa stratégie électorale. La période préélectorale devrait donc être caractérisée par une politisation des relations commerciales internationales et constituera l’occasion pour l’administration de faire la promotion des ententes qu’elle a déjà conclues.

Le 15 janvier, la Chine et les États-Unis ont conclu un accord de « phase un ». Celui-ci prévoit notamment des achats supplémentaires de 200 milliards USD aux États-Unis sur deux ans par la Chine. Ces achats pourraient faire tort à certaines industries canadiennes, notamment l’industrie porcine. L’accord débouchera sur un plan de mise en œuvre chinois le 15 février 2020 portant notamment sur le respect de la propriété intellectuelle en Chine qui sera bénéfique pour nos entreprises. Les tarifs américains visant la Chine ne disparaissent toutefois pas pour autant ! Ce premier accord risque d’être rapidement contesté à l’OMC par l’UE en raison des risques de détournement du commerce découlant des dispositions sur l’accroissement des échanges entre la Chine et les États-Unis.

La négociation de l’ACEUM étant terminée, l’attention américaine devrait se centrer sur la Chine, l’Union européenne et le Royaume-Uni au courant de 2020. N’ayant notamment pas réussi à couvrir les aspects liés à l’aide gouvernementale chinoise dans l’accord de phase I, les États-Unis ont conclu en janvier 2020 une entente tripartite avec le Japon et l’UE visant à exercer une pression sur ce pays à l’OMC. La réduction des blocs tarifaires américains sera tributaire du développement de ces disciplines.

L’accord commercial entre les États-Unis et le Japon est entré en vigueur le 1er janvier et se centre principalement sur le commerce digital et de certaines denrées agricoles comme le bœuf. Les tarifs japonais sur le bœuf américain sont ainsi ramenés au niveau de ceux appliqués à ses partenaires de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTGP), dont le Canada.

L’administration Trump fera aussi de la conclusion d’un accord avec l’UE une priorité pour 2020, ayant menacé l’Union d’imposer des tarifs douaniers de 25 % notamment sur les automobiles si un accord n’est pas conclu rapidement. La négociation d’un ALÉ avec le Royaume-Uni constituera également un objectif important pour l’administration Trump en vue de l’élection.

Le recours aux sanctions économiques par l’administration américaine devrait généralement aller en augmentant pour 2020, continuant à viser nommément Cuba, la Corée du Nord, l’Iran et le Venezuela. De plus, les États-Unis ont publié début janvier une liste des premières technologies sujettes à un processus de licences à l’exportation et à la réexportation de technologies américaines, en vertu de l’Export Control Reform Act (ECRA) applicable à tous les pays, excepté le Canada. La liste établie par le Bureau of Industry and Security (BIS) se limite pour l’instant aux logiciels utilisant l’intelligence artificielle et touchant à l’imagerie aérospatiale. La liste des produits ultérieurement visés est toutefois appelée à augmenter et sera donc à surveiller au cours de 2020. Le BIS a également amendé le règlement sur l’Export Administration (EAR) en ajoutant Huawei et 46 de ses filiales à l’Entity List. L’EAR établit une liste de technologies américaines ne pouvant être vendues aux entreprises inscrites à l’Entity List, ce qui risque d’affecter les entreprises américaines et étrangères qui commercialisent des produits intégrant des technologies américaines.

Brexit

Le Royaume-Uni étant sorti de l’UE le 31 janvier, les négociateurs européens et britanniques auront dès lors le mandat de négocier des disciplines globales sur l’ensemble des secteurs auparavant couverts par l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union. Pendant la période de transition, l’ensemble du droit de l’UE demeurera applicable. En vertu du calendrier annoncé, les négociations devraient être conclues d’ici décembre 2020. Toutefois, ce calendrier étant très ambitieux, il est fort probable qu’un délai supplémentaire pour conclure l’accord soit octroyé d’ici juillet. Les négociations quant au secteur de services, aux normes technico-sanitaires et aux aides de l’État revêtiront une importance capitale étant donné la volonté affichée de l’UE d’éviter que le Royaume-Uni ne tombe dans le giron normatif américain et qu’il ne se transforme en un concurrent « déloyal » à ses portes. L’UE ne fera donc pas de cadeau au Royaume-Uni ; afin de pouvoir bénéficier de concessions de l’UE, le pays devra plausiblement s’engager à conserver un cadre réglementaire aligné sur celui de l’Union.

Pour faciliter sa transition, le Royaume-Uni a pour l’instant conclu des ententes dites de « continuité » engageant une cinquantaine de pays et de territoires destinées à maintenir des relations commerciales privilégiées. Ces accords ont la particularité de reproduire à l’identique les termes des accords commerciaux conclus précédemment par l’UE. Le Canada ne prévoit pas conclure un tel accord de continuité, mais comme le Royaume-Uni représente 40% des échanges entre le Canada et l’UE, les deux pays tenteront d’arriver rapidement à un accord. La pénurie actuelle de négociateurs britanniques risque toutefois de retarder le processus. Malgré les remous causés par l’ensemble des négociations en cours, le pays fera preuve de leadership environnemental en accueillant la COP26 des Nations Unies en novembre 2020.

Sur le plan de la propriété intellectuelle, il est intéressant de noter que les régimes liés aux marques de commerce et aux designs industriels resteront inchangés pendant la période de transition du Brexit. À la suite de celle-ci, le bureau sur la propriété intellectuelle britannique a indiqué que des équivalences seraient automatiquement octroyées aux détenteurs de marques de commerces et de designs européens.

Union européenne

En 2020, l’UE mettra probablement en place un mécanisme d’ajustement carbone à la frontière sur les biens afin de rendre moins attractive la délocalisation de la production de certaines entreprises vers l’extérieur de l’Union. L’UE a annoncé fin 2019 vouloir rendre le continent carboneutre d’ici 2050 dans le cadre de son « plan vert ». La perspective de différends à ce sujet surgit à un moment où l’Organe d’appel (OA) de l’OMC est paralysé, l’UE risque donc d’avoir le champ libre — sous réserve de mesures unilatérales — afin de mettre en place le volet externe de sa politique verte. La nouvelle législation européenne sur le climat devrait être dévoilée au courant du mois de mars 2020.

Les négociations à l’OCDE quant à la taxation des géants numériques comme Google et Amazon (les GAFA) s’accéléreront en 2020 sous l’impulsion des États-Unis et de l’UE. La France et les États-Unis ont mis fin à l’escalade des tensions, s’étant engagés à ne pas mettre de mesures unilatérales en place ; les deux États ont convenu de travailler à l’atteinte d’un accord multilatéral d’ici la fin 2020 sur la taxation des géants du numérique. Le Royaume-Uni et des membres de l’UE comme l’Autriche et l’Italie appliqueront toutefois une taxe analogue en 2020 et pourraient être visés par des tarifs américains.

Organisation mondiale du commerce

L’Organe d’appel de l’OMC (OA) n’est plus opérationnel depuis le 11 décembre 2019. Dès lors, à l’instar de ce qui se faisait sous l’ancien GATT, tout membre de l’organisation peut « bloquer » l’adoption d’un rapport de groupe spécial en le portant en appel, l’envoyant ainsi dans « le vide » juridique. Malgré l’intransigeance américaine quant à l’OA, quinze membres de l’OMC sous l’impulsion du Canada et de l’UE se sont entendus lors du Forum Économique Mondial à Davos pour mettre en place un mécanisme d’appel intérimaire basé sur l’article 25 du Mémorandum d’accord. En 2020, d’autres pays comme le Royaume-Uni devraient joindre ce mécanisme. Enfin, les États pourraient aussi convenir ad hoc de ne pas porter un rapport en appel afin de s’assurer de son adoption.

Les Bahamas et le Bélarus deviendront normalement membres de l’OMC en décembre 2020, suivant l’adoption de leur protocole d’accession prévu lors de la conférence ministérielle de juin 2020. Les Pays-Bas ont également déposé une demande au nom du gouvernement de Curaçao qu’ils ont autorisé à entamer un processus d’accession indépendant à l’OMC en 2020.

À l’occasion de la prochaine conférence ministérielle de l’OMC, un accord devrait être conclu entre les Membres quant aux subventions à la pêche illégale ou contribuant à la surpêche. L’atteinte d’un tel accord constituera un test immédiat pour le système commercial multilatéral. Outre celui-ci, les Membres se prononceront en juin sur la prolongation du moratoire sur l’application de droits de douane sur les transmissions électroniques et sur le commerce électronique en vigueur depuis 1998. Le maintien du moratoire est remis en question par quelques membres, dont l’Inde et l’Indonésie qui estiment que la transmission de contenu numérique en « streaming » les prive injustement de recettes douanières auparavant collectées sur des produits physiques comme les DVD. Le moratoire semble toutefois bénéficier du support d’une majorité de Membres qui estiment que ces recettes devraient être collectées par le biais de taxes internes plutôt que de tarifs. D’autre part, plusieurs Membres espèrent arriver à en 2020 à un accord sur le commerce électronique.

Enfin, les groupes spéciaux saisis des différends dans lesquels les États-Unis sont mis en cause en lien les surtaxes sur l’acier et l’aluminium rendront leur rapport à l’automne 2020. L’interprétation de l’article XXI du GATT sur la sécurité nationale est au cœur de ces différends. Les États-Unis allèguent qu’ils n’ont qu’à invoquer l’exception de sécurité pour justifier la mise en place de mesures restrictives au commerce, ce qui, à notre avis, peut ouvrir la porte à des abus.

Droit privé

La conférence pour l’harmonisation des lois au Canada (CHLC) devrait produire d’ici fin 2020 un modèle de loi uniforme pour la mise en œuvre de la Convention de 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale. La CHLC fera ensuite la promotion de ce projet conjointement avec celui de la Convention de 2005 sur les accords d’élection de for auprès des provinces et territoires afin de les inciter à mettre en œuvre ces conventions. La Conférence de La Haye continuera également son travail sur la reconnaissance de la compétence d’un tribunal visant à compléter les conventions de 2005 et de 2019.

La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) poursuivra son travail sur une série de sujets comme l’arbitrage accéléré, le règlement des différends entre États et investisseurs, le commerce électronique et la vente judiciaire de navires par le biais de différents groupes de travail. De leur côté, les groupes de travail d’UNIDROIT entameront des travaux sur l’harmonisation des lois nationales sur l’insolvabilité concernant la liquidation des banques et sur la préparation d’une loi type sur l’affacturage venant compléter et actualiser la convention d’Ottawa de 1988 sur l’affacturage. Plus de détails seront disponibles lors de la prochaine session du Conseil de direction d’UNIDROIT en mai 2020.

Incoterms 2020

Les nouveaux Incoterms sont entrés en vigueur le premier janvier 2020. Bien qu’aucun changement substantif majeur ne soit intervenu par rapport à 2010, certaines modifications sont à noter :

  • Le terme DAT (Delivery at Terminal) est maintenant DPU (Delivery at Place Unloaded).
  • Les couvertures d’assurance diffèrent maintenant entre CIF (Cost Insurance et Freight) et CIP (Carriage and Insurance Paid to). Dans la version 2020, le sigle CIF requiert une assurance répondant à la clause Institute Cargo C, alors que le sigle CIP requiert une assurance sous la clause A.
  • La mouture 2020 des Incoterms permet dorénavant à l’acheteur d’indiquer expressément qu’il aura la charge du transport via le signe FCA (Free Carrier) et le vendeur via les sigles D. Cette possibilité existait déjà tacitement sous l’ancienne version, mais les nouveaux Incoterms permettent de l’indiquer explicitement.
  • Les nouveaux Incoterms contiennent maintenant des notes explicatives beaucoup plus complètes avec des diagrammes améliorés, une structure différente pour les utilisateurs et une réorganisation des règles concernant la livraison et le risque afin de les rendre plus visibles.

Conseils CMKZ

  1. Les entreprises canadiennes devraient tirer profit en 2020 de la stabilisation des relations commerciales du Canada avec ses partenaires nord-américains, européens et du Pacifique, notamment par l’entrée en vigueur de l’ACEUM.
  2. Les relations avec la Chine constitueront un enjeu majeur en raison des répercussions potentielles qu’elles auront sur les exportateurs. Pour nos entreprises, il sera important (i) d’assurer un suivi constant avec leurs acheteurs chinois dans l’éventualité où leurs produits vendus en Chine se retrouvent sur la liste des biens que la Chine s’est engagée à acheter des États-Unis en vertu de l’accord États-Unis–Chine (ii) de surveiller la liste des technologies américaines soumises à des contrôles à l’exportation en vertu de l’ECRA comme il n’est pas garanti que le Canada soit exclu de ce régime limitatif à l’avenir, (iii) de vérifier si leurs produits et logiciels intègrent des technologies américaines et si leurs clients sont visés par l’Entity List, (iv) de suivre les changements que la Chine devrait apporter à son régime de protection de la propriété intellectuelle.
  3. La prudence sera généralement de mise quant aux opportunités d’affaires au Royaume-Uni tant que les termes des futurs accords entre le Royaume-Uni et l’UE et entre ce pays et le Canada ne seront pas connus.
  4. Les produits qui affichent un indice carbone très élevé devraient être soumis à un mécanisme d’ajustement carbone à la frontière (droit de douane) en Europe.
  5. Les entreprises devront être attentives dans la rédaction de leurs contrats internationaux, particulièrement en ce qui concerne les clauses de juridiction. Elles devront aussi se familiariser avec les Incoterms 2020, outil indispensable du commerce international.

Pour plus d’informations sur ces développements et sur l’impact potentiel qu’ils peuvent avoir sur vos activités, n’hésitez pas à contacter Bernard Colas ou l’un de nos autres avocats de CMKZ spécialisés en droit du commerce international.

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