CMKZ remercie Bernard Colas, ainsi qu’Éléonore Gauthier, Collaborateur CMKZ, pour la préparation de ce blogue.
Les contrôles à l’importation et à l’exportation sont de plus en plus utilisés pour défendre la démocratie et sanctionner le non-respect des droits humains. Nous avons déjà écrit sur l’utilisation de restrictions à l’importation en relation avec les violations de droits humains, en particulier le travail forcé. En ce qui concerne les contrôles aux exportations, les technologies avancées qui permettent aux régimes autoritaires de contrôler et surveiller leurs populations sont maintenant de plus en plus scrutées par les gouvernements démocratiques. Les États-Unis sont le leader à ce sujet.
Du 9 au 11 décembre dernier s’est déroulé le Sommet pour la démocratie, organisé par les États-Unis, qui a regroupé des représentants de gouvernements, du secteur privé et de la société civile. Durant la conférence, plusieurs gouvernements ont pris des engagements. Les États-Unis, l’Australie, le Danemark et la Norvège ont annoncé une nouvelle initiative appelée Export Controls and Human Rights Initiative visant des contrôles à l’exportation de technologies pouvant être utilisées par des gouvernements autoritaires pour surveiller et réprimer leur population. Bien que le Canada ne soit pas signataire de la déclaration, il a exprimé son support à l’initiative, ainsi que le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas. Surtout visées sont les technologies à double-usage (civil et militaire), incluant des technologies initialement développées pour la vente civile, mais qui peuvent être achetées à des fins militaires.
Des exemples de technologies à double-usage sont les technologies relatives à la géolocalisation, à l’écoute électronique, les logiciels de piratage et d’infiltration, ainsi que les technologies de reconnaissance faciale. Par exemple, la compagnie japonaise NEC rapportait il y a quelques mois avoir vendu sur 70 marchés plus de 1000 systèmes d’identification biométrique (empreintes digitales, reconnaissance de l’iris et du visage, etc.). La Chine a en autre été accusé à plusieurs reprises d’utiliser des technologies de reconnaissance faciale pour contrôler les Ouïghours dans sa région de Xinjiang.
La particularité de la Export Controls and Human Rights Initiative est qu’elle inclut un code de conduite volontaire pour les États qui les guiderait dans l’application de critères de droits humains lors de l’émission de licences d’exportation. Des codes de conduite existent pour les entreprises et les organisations, mais normalement pas pour les États. L’initiative permettrait donc aussi la coopération des États à ce sujet, le maintien d’idées politiques communes sur la démocratie et les droits humains, ainsi qu’une prévention de la prolifération de technologies permettant des violations.
C’est en 2018 que les États-Unis ont adopté le Export Control Reform Act leur permettant de contrôler spécifiquement l’exportation de technologies à double-usage pour des questions de sécurité et de politique étrangère. Depuis 2018, le BIS (Bureau of Industry and Security), chargé de son application, a révisé ses politiques, de façon à de plus en plus tenir compte dans ses décisions d’émissions de permis de potentielles violations de droits humains ou de surveillance de citoyens par des régimes autoritaires. Le Canada s’est en fait doté de son système actuel de contrôles des exportations en 2019, en modifiant la Loi sur les licences d’exportations et d’importations. Une licence d’exportation ou de courtage ne sera pas émise s’il y a un risque important que la transaction participe à des violations mentionnées dans la loi, telles que des violations de droits humains ou de droit humanitaire. En novembre 2020, l’Union européenne a adopté une loi qui impose aussi aux entreprises de demander une licence d’exportation pour certaines technologies à double-usage. La loi requiert des entreprises une plus grande diligence raisonnable et aux gouvernements membres de l’Union de publier les détails des licences allouées. Ces détails restaient auparavant confidentiels.
Maintenant, avec la guerre en Ukraine, des restrictions à l’exportation sont en effet l’un des types de sanctions utilisées par les pays occidentaux contre la Russie. Plusieurs pays, dont le Canada et les États-Unis, ont restreint l’exportation de façon accrue de certaines technologies à double-usage vers ce pays. Le Canada a entre autres annulé l’émission de permis d’exportation vers la Russie, pour les biens nécessitant un contrôle, et annulé les permis existants (sauf exception pour besoins humanitaires et médicaux).
La guerre en Ukraine illustre bien le clivage entre les allégeances aux principes démocratiques et autoritaires. Même au-delà de la guerre (autant que nous sommes en attente à cet égard pour le moment), les entreprises devraient exercer une diligence raisonnable en matière de technologies destinées à l’exportation pouvant être utilisée par des régimes autoritaires. Au Canada, il est nécessaire pour les exportateurs d’effectuer les vérifications préalables auprès des clients étrangers et de déclarer l’information pertinente dans leur demande de licence le cas échéant. Il est nécessaire d’identifier les destinataires et les utilisateurs finaux.
Pour les entreprises qui entendent mettre en place une politique de vérification diligente et de gestion des risques, nous recommandons vivement l’utilisation du Guide préparé par le US Department of State et demeurons à leur disposition pour de plus amples informations.