L’accord de phase I conclu entre les États-Unis et la Chine le 15 janvier 2020 entrera en vigueur le 15 février prochain. Le Canada bénéficiera de certains changements au régime chinois de protection de la propriété intellectuelle. Les chapitres concernant spécifiquement la relation Chine–États-Unis risquent toutefois d’engendrer un détournement du commerce potentiellement nuisible aux industries canadiennes, notamment agricole.
Les dispositions régulant le commerce entre les parties — quant aux standards agricoles américains et les promesses d’achat — semblent en violation de certaines dispositions du GATT et de l’AGCS, dont la clause de la nation la plus favorisée. Au surplus, l’accord ne semble pas entrer sous le prisme des articles XXIV du GATT et V de l’AGCS sur les accords commerciaux régionaux comme il rend le commerce plus difficile entre les membres n’étant pas parties à l’accord.
L’accord est composé de sept chapitres principaux dont voici les éléments le plus importants :
AGRICULTURE ET EXPANSION DU COMMERCE
Le cœur de l’accord est incontestablement le secteur agricole. Un chapitre entier prévoit la facilitation du commerce des denrées agricoles entre les deux économies. Celles-ci constituent d’ailleurs partie intégrante des biens visés par le chapitre sur l’expansion du commerce à l’effet duquel la Chine devra d’ici fin 2021 augmenter ses importations de produits américains d’au moins 200 milliards USD par rapport au niveau de 2017. En 2020-2021, l’augmentation se divisera comme-ci : 77,7 milliards pour les biens manufacturés, 52,2 G$ pour les produits énergétiques 37,9 G$ pour les services et 32 G$ pour les produits agricoles. Les États-Unis sont également en droit d’exiger au besoin 5 G$ par année en importations agricoles supplémentaires. L’accord contient près de 25 pages contenant les codes tarifaires HS des produits et services visés par les objectifs d’augmentation.
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE
D’ici le 15 mars 2020, la Chine devra produire un plan de mise en œuvre de l’accord visant à modifier son régime de protection de la propriété intellectuelle. Un des changements les plus importants concerne la protection des secrets commerciaux. Dorénavant, s’il existe des indices raisonnables indiquant l’acquisition frauduleuse d’un secret commercial, le fardeau de la preuve reposera sur le défendeur dans le cadre de procès civils. Du côté du droit criminel, lors d’appropriation frauduleuse, un plaignant n’aura plus à faire la preuve de dommages afin que des procédures puissent être engagées. Les intrusions électroniques ou les manquements à un devoir de confidentialité devront également être pris en compte et les autorités chinoises devront émettre des injonctions préliminaires lorsque nécessaire. Un gain de taille concerne la destruction de biens contrefaits qui ne pourront plus être remis en circulation par suite du simple retrait de la marque de commerce frauduleusement apposée, devant être détruits. L’accord comprend aussi des dispositions spécifiques pour l’industrie pharmaceutique qui pourra se prévaloir d’extensions de la durée de leur brevet advenant certains délais abusifs.
Les dispositions relatives aux indications géographiques protégées (IGP) risquent de provoquer de vives réactions du côté européen, la Chine s’étant engagée à ce que l’existence d’IGP n’entrave pas le commerce de produits américains utilisant des termes jugés génériques.
Les engagements chinois quant aux transferts de technologie devraient également bénéficier à nos entreprises. En vertu de l’accord, les transferts de technologies devront de faire sur une base strictement volontaire et suivant les termes du marché. Le gouvernement chinois ne devra donc plus faire pression sur les entreprises étrangères afin qu’elles licencient ou vendent leur technologie.
PRATIQUES DE CHANGE ET SERVICES FINANCIERS
En vertu de l’accord, la Chine s’est doublement engagée à ne pas dévaluer le renminbi. D’une part, l’accord réitère les obligations découlant des Statuts du Fonds monétaire international (FMI), notamment celle de ne pas effectuer de dévaluations compétitives. D’autre part, l’accord institue cette obligation en propre afin qu’elle soit sujette à son mécanisme de règlement des différends et comprend certaines dispositions incitant la Chine à adopter un régime de change flottant.
La section sur les services financiers ne concerne que les entreprises américaines ; il est toutefois intéressant de noter que les plafonds sur la participation américaine dans le secteur bancaire et des assurances seront levés. Les entreprises américaines auront un accès plus grand et direct au marché bancaire, y compris celui des assurances vie et de santé.
RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
Malgré l’intitulé de ce chapitre, l’accord entre la Chine et les États-Unis n’institue pas à proprement parler de mécanisme de règlement des différends. Comme il ne prévoit aucun arbitre neutre pour départager les prétentions des parties, il s’agit plus simplement d’un mécanisme de consultation déguisé, visant probablement à ménager les sensibilités chinoises. Le processus de consultation est à deux niveaux, impliquant d’abord des agents désignés ; si cela ne s’avère pas suffisant, les discussions se tiendront à un échelon supérieur entre le représentant de l’United States Trade Representative et le vice-premier ministre chinois. Aux termes de ces consultations, si une des deux parties considère que l’autre partie a pris des mesures de bonne foi, elle s’abstiendra de mettre en place des contre-mesures. Toutefois, si cette partie estime qu’elles ont plutôt été prises de mauvaise foi, la seule issue possible demeure le retrait de l’accord. Une disposition permet également aux parties de déroger aux obligations prévues par l’accord en cas de catastrophe naturelle ou de la survenance d’événements se trouvant hors de leur contrôle. De telles situations doivent toutefois mener à la tenue de consultations entre les parties.
CONCLUSIONS
Il sera donc important de suivre de près la mise en œuvre de cet accord au courant de 2020. Le chapitre sur l’accroissement du commerce pourrait notamment nuire aux opportunités commerciales de nos entreprises, voire leur porter préjudice en cas de remplacement de nos exportations par des substituts américains. Le plan de mise en œuvre du chapitre sur la protection de la propriété intellectuelle et sa progression devront également être tenu à l’œil en raison des opportunités et des meilleures garanties qui avantageront les entreprises étrangères en Chine. La pérennité de l’accord est toutefois loin d’être assurée en raison de l’appétit insatiable des États-Unis pour de nouvelles réformes et de la contestation probable de celui-ci par l’Union européenne.
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