L’harmonisation de la Loi canadienne sur les marques de commerce aux traités internationaux

Une excellente nouvelle pour les entreprises canadiennes ; le Canada entame enfin l’harmonisation de son droit des marques de commerce aux normes internationales!

Cette harmonisation tant attendue deviendra bientôt réalité[1].

En effet, le Projet de loi C-31[2] (ci-après le « Projet ») qui apporte d’importantes modifications à la Loi sur les marques de commerce (ci-après la « Loi ») a reçu la sanction royale le 19 juin 2014 et entrera progressivement en vigueur à compter de la fin de cette année 2015.

Les modifications projetées représentent une réforme qui s’inscrit dans la volonté du gouvernement du Canada de ratifier trois traités internationaux majeurs en matière de marque de commerce; le Protocole relatif à l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques (ci-après la « Classification de Nice »), le Protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques de commerce (ci-après le « Protocole de Madrid ») et le Traité de Singapour sur le droit des marques (ci-après le « Traité de Singapour »).

Ces modifications qui affecteront les entreprises détentrices de marques de commerce enregistrées ou utilisées au Canada sont les plus importantes apportées à la Loi depuis 1953.

Par cette réforme, le Canada entend désormais offrir aux entreprises canadiennes et aux entreprises étrangères, investissant au Canada, tous les outils nécessaires à assurer une protection efficace et effective de leurs marques de commerce au Canada et à l’international.

Vue leur importance, ci-après nous préciserons les principaux changements apportés et ferons quelques brèves recommandations sur la conduite que les entreprises canadiennes gagneraient à adopter afin de tirer avantage de ces modifications[3].

  1. L’enregistrement de marque de commerce dans plusieurs juridictions

Contenu de la modification

Le Protocole de Madrid prévoit une procédure de demande d’enregistrement de marque à l’international, soit dans l’un des 91 autres pays parties contractantes du Protocole.

Par la ratification et la mise en œuvre du Protocole de Madrid en droit des marques du Canada, les entreprises canadiennes et étrangères, faisant affaires au Canada, disposeront d’une option simple et rentable pour l’enregistrement de leurs marques de commerce dans plusieurs pays.

En effet, aux termes de ce Protocole, le titulaire d’une marque a la possibilité d’obtenir une  protection dans plusieurs pays en déposant une seule demande auprès de l’office des marques de commerce de son pays d’origine et en acquittant un seul droit de dépôt incluant les frais d’enregistrement dans les juridictions désignées.

Concrètement une entreprise canadienne pourra présenter sa demande d’enregistrement international auprès de l’Office de la Propriété Intellectuelle du Canada (ci-après l’« OPIC »). Cette dernière se chargera de la transmettre au Bureau international de l’Office Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après l’« OMPI ») qui acheminera la demande d’enregistrement aux autres pays membres désignés par l’entreprise canadienne.

Cette procédure évite ainsi de présenter différentes demandes d’enregistrement dans chacun des pays où la protection de la marque de commerce est requise. Elle évite aussi de recourir à un agent de marque de commerce local pour l’accomplissement des formalités de demande d’enregistrement de la marque dans chacun des pays désignés par l’entreprise (sauf lorsque la demande fait face à un refus).

Recommandation

Afin de pleinement bénéficier de ces nouvelles dispositions, les entreprises canadiennes gagneraient à faire l’inventaire de leurs marques de commerce en distinguant celles qui sont enregistrées au Canada de celles qui ne le sont pas d’une part et d’autre part à identifier les pays dans lesquels elles auraient intérêt à protéger leurs marques.

Pour les marques déjà enregistrées au Canada, tel qu’indiqué ci-dessus, en présentant une demande à l’OPIC il sera désormais possible de requérir leur enregistrement dans tous les pays identifiés.

S’agissant des marques non enregistrées au Canada, les entreprises canadiennes devront procéder à leur enregistrement au Canada afin que cet enregistrement soutienne leur demande à l’international. De plus, elles gagneraient à agir dans les meilleurs délais pour bénéficier des coûts actuels d’enregistrement de marque de commerce au Canada. La question des coûts d’enregistrement sera abordée ci-après dans la section 3.

  1. La gestion des portefeuilles de marques de commerce

Contenu de la modification

Le Protocole de Madrid prévoit des règles techniques visant à faciliter la gestion de portefeuille de marques de commerce à l’international en simplifiant les exigences administratives. Cette simplification s’applique tant aux modifications administratives des dossiers de marque qu’aux renouvellements d’enregistrement.

De même, le Traité de Singapour prévoit également de telles règles en vue de simplifier et harmoniser les procédures administratives d’enregistrement et la gestion des marques de commerce. Ce traité établit des procédures plus conviviales, modernes et dynamiques qui incluent notamment des mesures de sursis obligatoires ainsi que des communications avec le requérant sous forme électronique.

Par la ratification et la mise en œuvre de ces traités au Canada, la Loi sera ainsi grandement modernisée. Ceci permettrait aux entreprises canadiennes de bénéficier de procédures administratives simplifiées et harmonisées à l’échelle internationale.

Recommandation

Afin de tirer avantage de ces nouvelles dispositions, les entreprises canadiennes propriétaire de marques de commerce gagneraient à faire l’inventaire de toutes leurs marques de commerce enregistrées au Canada et dans les pays parties au Protocole de Madrid et au Traité de Singapour en faisant la distinction entre celles devant être renouvelées ou modifiées et les autres.

  1. L’utilisation de la Classification de Nice

Contenu de la modification

La Classification de Nice sera dorénavant utilisée par l’OPIC pour l’identification des produits et services désignés en lien avec une marque de commerce.

La Classification de Nice comprend une liste de 34 classes de biens et 11 classes de services ainsi qu’une liste alphabétique de biens et services.

L’utilisation de cette classification permet le dépôt des demandes d’enregistrement de marques de commerce par référence à un système de classement unique. Par exemple, dans tous les pays utilisant la Classification de Nice, la Classe 9 comprend notamment les appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques; les appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique; les appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; les mécanismes pour appareils à prépaiement; les logiciels.

De plus, vu que le Classement de Nice est disponible dans plusieurs langues, son utilisation au Canada devrait également simplifier la rédaction de demandes d’enregistrement de marque de commerce. La dixième édition, version 2015 de la Classification de Nice est entrée en vigueur le 1er janvier 2015.

Le Bureau international de l’OMPI utilise le Classement de Nice pour l’enregistrement international des marques de commerce dont il a été question ci-dessus.

Le Canada était l’un des derniers pays développés à ne pas utiliser cette classification pour l’enregistrement des marques de commerce auprès de l’OPIC.

Toutefois, nonobstant les avantages, il importe de souligner que l’utilisation de la Classification de Nice aura pour autre conséquence l’augmentation des frais d’enregistrement et de renouvellement des marques. En effet, à la différence de la situation actuelle ces frais seront désormais calculés en fonction du nombre de classes inclus dans la demande d’enregistrement ou de renouvellement.

Recommandation

Vue ce changement projeté et le fait que les nouveaux tarifs ne s’appliqueront pas rétroactivement aux demandes en cours, il est vivement recommandé aux entreprises canadiennes de procéder à l’enregistrement de leurs marques de commerce dès à présent, soit avant l’entrée en vigueur des modifications à la Loi, afin de bénéficier des coûts actuels.

  1. La suppression de la nécessité de l’emploi de la marque

Contenu de la modification

En l’état actuel, la procédure d’enregistrement de toute marque de commerce auprès de l’OPIC exige que le requérant apporte la preuve de l’emploi de la marque dont l’enregistrement est demandé.

Cette exigence présente l’avantage d’une part de préserver les droits acquis par les personnes qui, sans avoir enregistré une marque de commerce, en font usage et d’autre part de forcer l’emploi effectif des marques de commerce.

Toutefois, au cours du processus de modification de la Loi, le Canada a fait le choix de retirer cette exigence de l’emploi. Ce choix implique qu’à compter de l’entrée en vigueur des modifications apportées à la Loi, un requérant n’aura plus à établir la preuve de l’emploi d’une marque de commerce dont l’enregistrement est demandé.

Ce choix présente l’inconvénient de permettre que des personnes obtiennent l’enregistrement de marques de commerce sans véritable intention d’emploi.

En vue de quelque peu palier à cet inconvénient, la Loi accorde à l’OPIC le pouvoir d’exiger du titulaire d’une marque de commerce enregistrée, la preuve d’emploi de sa marque dans les trois (3) années suivant l’enregistrement. La marque non employée peut faire l’objet d’une radiation ou d’un refus de renouvellement d’enregistrement.

Recommandation

Dans le contexte décrit ci-dessus, il est impératif que les entreprises s’empressent d’enregistrer toute marque de commerce qu’elles entendent utiliser au Canada afin de s’assurer qu’aucun tiers ne procède à un éventuel enregistrement. De plus, les entreprises gagneraient à accroitre la surveillance des demandes d’enregistrement afin de s’assurer que les marques de commerce objet de ces demandes ne sont pas identiques aux leurs ou ne portent pas à confusion.

  1. La durée de protection des marques de commerce au Canada

La durée de protection des marques de commerce au Canada est réduite de quinze (15) à dix (10) ans.

Les marques de commerce dont la période de protection prend fin avant l’entrée en vigueur des modifications bénéficieront d’un renouvellement pour la période de quinze (15) ans.

Toutefois, les titulaires de marque de commerce dont la période de protection prend fin après l’entrée en vigueur desdites modifications verront leurs marques renouvelées pour la durée de dix (10) ans.

Soulignons que dans ce dernier cas, l’OPIC précise qu’il n’y a aucun avantage à soumettre à l’avance une demande de renouvellement, la période de renouvellement demeurera de dix (10) ans.

  1. Conclusion

Au regard de tout ce qui précède, il ne fait aucun doute que la mise en œuvre des traités susmentionnés offrira de nombreux avantages aux entreprises canadiennes et sera un signal positif envoyé aux investisseurs étrangers.

De fait, le Canada veut ainsi donner le signal clair de sa volonté de mettre son droit des marques de commerce en harmonie avec les normes internationales pertinentes. Une telle volonté du Canada semble s’inscrire dans un cadre plus large des relations économiques que le Canada entend développer avec ses partenaires étrangers.

À titre d’exemple, le résumé technique de l’Accord Économique et Commercial Global négocié avec l’Union européenne indique qu’en ce qui concerne les marques commerciales, les dessins et les modèles, le Canada a pris l’engagement à consentir tous les efforts possibles pour se conformer aux normes et accords internationaux, afin de favoriser la mise en place de procédures plus efficaces en matière de marques commerciales, de dessins et de modèles.

Dans un contexte tourné davantage vers l’international, il est clair que le Canada pourra de moins en moins faire cavalier seul dans nombre de domaines d’intérêt pour les entreprises canadiennes.

[1] Voir notre note intitulée Protection internationale des marques : Le Canada doit agir disponible à l’adresse suivante http://www.avocat.qc.ca/affaires/ii-protocole-madrid.htm.

[2] Projet de loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et étant en œuvre d’autres mesures.

L’auteur remercie Flore Kouadio, LL.M. pour sa collaboration à la préparation de ce blogue.

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