Adopté par consensus le 12 décembre 2015 par les 195 pays représentés à la 21e Conférence des parties (COP 21) à la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), l’Accord de Paris donne le coup d’envoi à la dé-carbonisation de l’économie mondiale.
Cet Accord fixe une limite de réchauffement planétaire à ne pas dépasser, invite tous les pays du monde à contribuer à cet objectif et prévoit du financement pour aider les pays en développement à le faire. Son entrée en vigueur est attendue vers 2020 et il est accompagné d’une décision de la COP d’application immédiate. L’Accord signale également le retour en grâce du Canada dans le peloton de tête des pays qui luttent contre les changements climatiques.
Le Canada et le réchauffement climatique
Rappelons d’abord l’histoire récente du Canada dans le domaine : ratification du Protocole de Kyoto par le gouvernement de Jean Chrétien en 2002, inaction au plan national sous le gouvernement minoritaire de Paul Martin de 2003 à 2006 et climato-scepticisme sous Stephen Harper de 2006 à 2015, période au cours de laquelle le Canada se distingue en devenant le seul parmi les 192 États parties au Protocole de Kyoto à s’en retirer. Au cours des neuf dernières années, la position canadienne dans les négociations internationales sur la protection du climat consistait essentiellement à tenter de faire en sorte qu’aucun nouvel accord contraignant n’émerge. Cet obstructionnisme, contraire à la tradition multilatérale du Canada, avait notamment contribué à son humiliante défaite aux élections de 2010 au Conseil de sécurité de l’ONU. Dans les négociations sur le climat, le Canada s’était marginalisé et son avis n’était plus sollicité par aucun des principaux acteurs.
Au soir de son élection le 19 octobre 2015, le Premier ministre-élu Trudeau lance un message aux pays qui ne reconnaissaient plus le Canada : « Nous sommes de retour. » Ce message est entendu par la France, qui invite Catherine McKenna, à peine assermentée ministre de l’Environnement et du changement climatique, un titre en soi significatif, à une « pré-COP 21» qui réunit une soixantaine de ministres à Paris le 9 novembre. Il y avait des années que le Canada n’avait pas été invité à ce genre de réunion préparatoire.
À la COP 21 elle-même, la ministre McKenna joue un rôle de premier plan, notamment quand Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères et Président de la Conférence, lui confie un des 14 postes de facilitateur en vue d’un accord final. À mi-chemin de la Conférence, elle suscite l’étonnement en appuyant l’objectif de limiter si possible à 1,5 plutôt qu’à 2 °C l’élévation de la température moyenne de la planète par rapport aux niveaux préindustriels. C’était là une demande clé des États les plus pauvres de la planète, notamment des petits États insulaires menacés de disparition par la hausse du niveau des mers, et elle a été reflétée dans le texte final. En revanche, le Canada et les Etats-Unis se sont opposés à l’inclusion des notions de responsabilité et compensation des pays du Nord pour les pertes et préjudices subis par les pays en développement en raison du dérèglement climatique, et cette position a aussi prévalu dans l’Accord tel qu’adopté.
Des objectifs ambitieux
L’histoire dira si l’Accord de Paris est ou non « historique », comme certains le prétendent. Ce qui est sûr, c’est que l’objectif de « conten(ir) l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C » est ambitieux, puisque selon certains rapports nous sommes déjà à au moins 0,8 °C. Ce qui est également sûr, c’est que les contributions prévues déterminées au niveau national (CPDNN) annoncées jusqu’à présent ne permettront pas d’atteindre cet objectif, puisqu’elle conduiraient à un réchauffement estimé à entre 3 °C et 4 °C. C’est pourquoi l’Accord de Paris prévoit que ces contributions doivent êtres revues à la hausse tous les cinq ans à partir de 2020.
Le gouvernement Harper a déposé la CPDNN du Canada le 15 mai 2015, quelques mois avant d’aller en élections, et a fixé comme cible globale une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Ce gouvernement n’a ensuite mis en place aucune mesure de réduction d’émissions, ce qui laissait croire qu’il n’avait en réalité aucune intention d’atteindre cette cible, pas plus qu’il n’allait atteindre celle de 17 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2020 qu’il avait annoncée à la Conférence de Copenhague en 2009.
Le nouveau gouvernement canadien a déclaré que la cible de réduction d’émissions de GES qu’il doit fixer ne sera pas moins ambitieuse que celle fixée par son prédécesseur. Cette dernière est en réalité déjà ambitieuse, en raison à la fois de l’inaction passée du Canada et du fait que ses émissions de GES continueront d’augmenter à moins que des mesures énergiques ne soient prises pour inverser la tendance.
Prochaines étapes
Parions qu’il en sera largement question lors de la conférence fédérale-provinciale dont le programme électoral du Parti libéral promettait de fixer la date dans les 90 jours suivant la fin de la Conférence de Paris, soit d’ici le 12 mars 2016. Il s’agira là d’une étape importante dans l’élaboration d’un plan national de réduction des émissions de GES du Canada, le premier depuis 13 ans.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter Paul Fauteux. Ancien diplomate, Paul Fauteux a notamment été Directeur général du Bureau des Changements climatiques d’Environnement Canada et, à ce titre, a codirigé la délégation du Canada dans les négociations internationales sur l’Accord de Marrakech concernant la mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Il a également joué un rôle déterminant dans l’élaboration du Plan du Canada sur les Changements climatiques de 2003.
Voir également l’entrevue accordée par Paul Fauteux à la télévision de Radio Canada et à l’émission l’Heure du monde à la Radio.