Canada | Libre-Échange | Différends commerciaux | Fiscalité internationale | Droit monétaire | Mexique | Sanctions | Cybersécurité | Chine | Normes ESG | Émission carbone | Travail forcé | Organisation mondiale du commerce | Propriété intellectuelle |Droit privé | Conseils pratiques Affilia
Affilia remercie André-Philippe Ouellet, Collaborateur Affilia, et Bernard Colas ainsi que les membres de l’équipe Affilia pour ces prévisions.
Cette année sera marquée par une grande imprévisibilité en raison de l’arrivée de l’administration Trump aux États-Unis et d’un manque de leadership au Canada qui se soldera vraisemblablement par les urnes en 2025. Malgré cette instabilité, Affilia anticipe les tendances pour l’année à venir et prévoit les développements suivants.
Le Canada en eaux troubles
En 2025, le Canada subira de sévères turbulences économiques. Le Canada sera surtout affecté par la redéfinition de la politique étrangère, y compris commerciale, des États-Unis. En effet, l’administration Trump vient de lancer une série d’enquêtes et de consultations devant faire rapport d’ici au 1er avril sur le dumping, l’opportunité de mettre en place de nouveaux tarifs, la réduction du déficit commercial américain, la renégociation de l’ACÉUM, et ainsi de suite. Le Président Trump a également lancé une enquête sur le respect par la Chine l’accord de Phase I conclu sous sa précédente administration. En 2025, l’accès aux marchés publics américains sera remis en question par de nouvelles lois de type Buy America, alors que les États-Unis envisagent de se retirer de l’Accord OMC sur les marchés publics.
La politique étrangère américaine sera de plus en plus belliciste, avec les enjeux commerciaux en toile de fond. Qu’il s’agisse du Canada, du Groenland ou de Panama, l’accès aux grands axes commerciaux et aux voies navigables est un objectif clef de l’administration Trump. Cela s’ajoute à la volonté des États-Unis de réduire son déficit commercial et de maintenir sa suprématie technologique.
Les menaces tarifaires américaines en lien avec le fentanyl et l’immigration serviront de prétextes afin d’obtenir des concessions commerciales de la part du Canada dans le cadre de l’ACEUM dont la renégociation pourrait être devancée en 2025 plutôt qu’en 2026. Toutefois, à moins d’un geste d’éclat des Américains, l’accord prendra fin en 2036 au plus tôt.
En 2025, une chose apparaît toutefois de plus en plus certaine : au-delà des tarifs de 25 % annoncés par l’administration Trump, les entreprises canadiennes feront face à la menace de tarifs, aux possibles contrecoups des contre-mesures canadiennes et à des perturbations déjà observables à la frontière. Le Canada engagera des consultations avec les entreprises qui pourront intervenir pour faire valoir leurs intérêts.
Il est envisageable qu’en 2025 certains membres du Congrès américain tentent de retirer les pouvoirs tarifaires délégués au Président. Si les industriels américains réussissent à rallier un soutien suffisant parmi les représentants, ils pourraient inciter le Congrès à adopter des lois visant à limiter ou à révoquer ces pouvoirs. Bien que de nombreux recours judiciaires puissent être intentés contre les mesures tarifaires prises par le président Trump, les tribunaux américains ont historiquement défendu l’autorité exécutive en matière de commerce extérieur, rendant peu probables des annulations judiciaires.
De nouveaux accords de libre-échange
Sur le plan de nouveaux accords commerciaux, le Canada devrait finaliser en 2025 les négociations en vue de conclure un accord commercial avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et devrait signer l’accord de libre-échange Canada-Indonésie dont les négociations ont été conclues en 2024. En Amérique, le Canada devrait signer un accord de libre-échange avec l’Équateur d’ici fin 2025 et le Costa Rica devrait adhérer au Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). En Europe, il songe à relancer les négociations avec le Royaume-Uni et devrait continuer à encourager les 10 pays membres de l’UE n’ayant pas encore ratifié l’Accord économique et commercial global (AECG) à finaliser le processus.
D’ici la fin septembre 2025, les entreprises ayant une obligation de déclaration en lien avec le registre fédéral sur les plastiques doivent faire rapport concernant l’année 2024.
Différends commerciaux du Canada
En 2025, le Canada devra d’abord faire face aux États-Unis en matière de règlement des différends commerciaux. D’abord, le Canada devra défendre la Loi sur les nouvelles en ligne, devant un groupe spécial de l’ACÉUM. Les États-Unis allèguent que les mesures imposées à ses géants numériques, notamment les redevances qu’elles devront verser pour financier les médias canadiens violent l’ACÉUM. La nouvelle administration Trump a en effet annoncé lancer des enquêtes quant aux mesures fiscales affectant de façon « disproportionnée » les entreprises américaines à travers le monde.
La Chine a par ailleurs récemment amorcé des consultations à l’OMC en réponse aux tarifs canadiens sur les véhicules électriques, l’aluminium et l’acier chinois. La Chine a aussi lancé une enquête antidumping sur les exportations de canola canadien ; perçue par le Canada comme une réaction aux mesures qu’il a adoptées sans égard au droit de l’OMC. En 2024, Canada a lancé des consultations quant aux batteries et aux semiconducteurs chinois, ce qui devrait résulter en l’imposition de tarifs et in fine en de nouveaux différends commerciaux en 2025.
Du côté du droit des investissements, les arbitres dans TransCanada c. USA (Keystone XL) ont jugé que la protection de la clause de temporisation (sunset) de l’ALENA ne s’appliquait qu’aux différends nés avant 2020. En 2025 il faudra suivre l’affaire Ruby River Capital c. Canada afin de voir si les arbitres confirment cette interprétation ayant fortement réduit la protection dont les investisseurs jouissaient au titre de l’ALENA.
Fiscalité internationale et droit monétaire
En 2025, le consensus atteint sous l’égide de l’OCDE en lien avec la fiscalité internationale sera mis à mal par l’administration Trump qui vient d’annoncer que les États-Unis ne deviendraient pas partie aux deux piliers négociés à l’OCDE. En raison de l’absence des États-Unis, de nombreux États risquent de ne pas mettre en œuvre l’imposition minimale de 15 %.
Du côté du droit monétaire international, il n’est pas à exclure que les États-Unis tentent d’imposer à leurs partenaires des traités comme ceux des Accords du Plaza (1985) ou du Louvre (1987) qui avaient forcé des alliés comme le Japon, l’Allemagne de l’Ouest et le Canada à intervenir sur le marché des changes afin de causer une dépréciation du dollar américain et rendre les importations plus onéreuses pour les Américains afin de réduire le déficit commercial des États-Unis.
Mexique
En 2025, le climat d’investissement devrait encore se détériorer en raison de la volonté des Américains de réduire leurs importations en provenance du Mexique et du péril que coure l’indépendance de la justice en raison d’une réforme controversée menant à l’élection au suffrage universel des juges fédéraux mexicains. Cela pose le risque d’un biais encore plus fort envers les nationaux de la part des tribunaux mexicains.
Bien que le Mexique n’ait pas eu gain de cause dans un différend ACÉUM initié par les États-Unis en lien avec l’interdiction du maïs OGM, ce pays ne devrait pas lever cette interdiction en 2025.
Sanctions économiques et sécurité nationale
En 2025, les États-Unis accroîtront le spectre de leur régime de sanctions et chercheront à maintenir leur suprématie technologique. Le Président américain vient, entre autres choses, de réclamer une enquête en lien avec les technologies et la propriété intellectuelle visant la Chine et des États « rivaux ». Le Canada concourra sûrement à ce régime de sanctions afin de s’assurer du soutien des États-Unis. Les entreprises ayant des filiales ou faisant affaire aux États-Unis doivent continuer à surveiller l’ajout de compagnies à l’Entity List (interdiction de vendre/acheter certaines technologies) et à l’Unverified List.
En janvier 2025, le Outbound Investment Security Program a été mis en œuvre ; les entreprises américaines doivent notifier certaines transactions (achat et vente) ou investissements qui seront également interdits dans plusieurs cas en lien avec l’intelligence artificielle, les semiconducteurs et l’informatique quantique. Ces interdictions viseront les entités chinoises ainsi que les entités étrangères, y compris canadiennes, ayant des liens avec la Chine (p. ex., détenue à plus de 50 %).
Advenant la fin des hostilités en Ukraine en 2025, il est probable que l’Occident lève une partie de ses sanctions économiques afin d’inciter la Russie à respecter un éventuel accord de paix. Les sanctions visant l’interdiction de transfert de technologie devraient toutefois demeurer applicables même advenant une solution au conflit en Ukraine. Le Canada pourrait également imiter les États-Unis et lever une partie des sanctions affectant la Syrie au cours de cette année.
Cybersécurité
La loi modifiant la Loi sur investissement Canada devrait entrer en vigueur en 2025. Il en va de même de la Loi concernant la cybersécurité considérant l’appui de tous les partis fédéraux. En vertu de cette loi, les entreprises de télécommunications auront l’interdiction de recourir à des fournisseurs désignés comme étant à haut risque, par exemple, Huawei.
Chine : relations ambivalentes avec le Canada
Les tensions commerciales entre la Chine et l’Occident, y compris le Canada, devraient être encore plus fortes en 2025 que par le passé. En effet, les États-Unis risquent de mettre en place des mesures contre la Chine tout en cherchant à contraindre le Canada et le Mexique de répliquer ces mesures ou à tout le moins d’en adopter la substance. La Chine fera également face en 2025 à de nombreuses mesures restrictives au commerce mises en place par des pays en développement comme le Brésil ou la Turquie.
Divulgation environnementale, sociale et de gouvernance (ESG)
Depuis janvier 2025, le pendant canadien de l’ISSB (International Sustainability Standards Board), le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité a rendu volontairement applicables les Normes canadiennes d’information sur la durabilité (NCID 1 et NCID 2) qui sont basées sur les normes internationales IFRS1 et IFRS2 afin de renforcer la transparence et la comparabilité des informations liées à la durabilité.
L’UE a récemment adopté une nouvelle Directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) qui sera progressivement transposée dans le droit interne des États membres dès cette année. Cette Directive impose aux entreprises des obligations strictes en matière de diligence raisonnable sur les impacts environnementaux et sociaux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. L’Union devrait toutefois adopter une réglementation omnibus au cours de 2025 afin de codifier, synthétiser, et dans certains cas, alléger les obligations ESG.
Déclaration des émissions carbone et déforestation
Les entreprises faisant affaire en Californie devront divulguer leurs émissions des champs d’application 1 et 2 à partir de 2026 (pour les données de 2025) et celles du champ d’application 3 à partir de 2027. La California Air Resources Board (CARB) doit finaliser les normes de divulgation d’ici juillet 2025.
En 2025, de nouveaux États initieront la mise en place de mécanismes d’ajustement carbone. En effet, le Royaume-Uni emboîtera le pas à l’UE qui a mis en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et il pourrait être suivi par l’Australie. Le Canada ne devrait toutefois pas joindre ce concert à court terme.
En avril 2025, l’Organisation maritime internationale (OMI) devrait adopter une taxe sur les émissions carbone du fret maritime. Il est probable que la tonne de carburant maritime conventionnelle soit taxée entre 60 et 300 USD, mais les États parties doivent encore s’entendre sur l’étendue exacte de la mesure.
À l’été 2025, il faudra également surveiller la classification des pays comme pays à faible, moyen ou haut risque de déforestation afin de savoir quels seront les impacts sur le Canada de la mise en œuvre dès décembre 2025 (juin 2026 pour les petites entreprises) du règlement européen visant à contrer la déforestation.
Travail forcé
Les entreprises canadiennes visées par une obligation de divulgation ont jusqu’au 31 mai 2025 afin de soumettre leur rapport annuel quant aux mesures prises pour contrer le risque de travail forcé ou des enfants. Les entreprises retardataires ne doivent pas s’attendre à la même clémence du gouvernement canadien cette année que l’an dernier, cette obligation n’étant plus nouvelle.
En 2025, les règles canadiennes en la matière devraient être renforcées sous la pression croissante des États-Unis qui dénoncent le laxisme du Canada et insistent sur l’obligation de lutter contre les importations issues du travail forcé dans le cadre de l’ACÉUM. Il est probable que le Canada adopte des mesures semblables à celles prises aux États-Unis, notamment en désignant des régions, p. ex., le Xinjiang, comme zones à haut risque et en obligeant les importateurs à prouver que les biens ne résultent pas du travail forcé (présomption réfragable). De nouvelles règles en la matière sont également entrées en vigueur fin 2024 en UE. Le Royaume-Uni devrait mettre à jour son cadre réglementaire y relatif au courant de 2025 pour aligner ses mesures sur celles de l’UE et des États-Unis.
Organisation mondiale du commerce (OMC)
L’année 2025 s’annonce assez morne à l’OMC alors que le mandant de sa directrice générale, Ngozi Okonjo-Iweala, a été reconduit pour quatre années supplémentaires. D’ici la prochaine conférence ministérielle en 2026, l’équipe d’Affilia ne prévoit pas d’avancée majeure à l’OMC. Aucun membre ne devrait rejoindre l’organisation en 2025, les Comores et Timor Leste ayant comme prévu rejoint l’OMC l’an dernier. Toutefois, les négociations de l’Ouzbékistan et de l’Azerbaïdjan progresseront alors que l’Éthiopie et l’Iraq ont relancé leur processus d’adhésion après plusieurs années de pause.
Le règlement des différends se poursuit toutefois parmi les 53 membres de l’AMPA dont la Chine et l’UE, la Chine poursuivant l’UE en lien avec les mesures prises par l’UE contre les véhicules électriques et que l’UE met en cause des mesures chinoises prises à l’encontre du brandy et de ses produits laitiers.
Finalement, il faudra suivre les progrès en matière de ratification de l’accord sur les subventions à la surpêche et à la pêche illicite. Cet accord devrait atteindre le quorum nécessaire de 111 membres en 2025 alors que 88 membres ont déjà ratifié l’accord.
Propriété intellectuelle
En 2025, afin de respecter ses obligations au titre de l’ACÉUM, le Canada devrait augmenter la durée de protection des brevets en mettant en place un système d’ajustement des brevets permettant d’étendre la protection d’un brevet s’il est démontré que celui-ci a été enregistré dans des délais déraisonnables. En Union européenne, il faudra également surveiller d’élargissement de l’exemption Bolar permettant aux fabricants de médicaments génériques de commencer la recherche nécessaire à la production dudit générique avant la fin effective du brevet protégeant l’original.
Droit privé
Du côté du droit privé, il est à noter que le groupe de travail de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur le droit de l’insolvabilité devrait finaliser ses lignes directrices quant à l’identification d’actifs en matière d’insolvabilité ainsi qu’un modèle de loi type d’ici l’été 2025.
Conseils pratiques Affilia
- Maintenir et renforcer leurs relations avec leurs fournisseurs et clients américains et à identifier et mettre en œuvre des solutions pour atténuer et partager les impacts des tensions commerciales entre partenaires ;
- Participer, directement ou par leurs associations professionnelles, aux nombreuses consultations gouvernementales sur la politique commerciale américaine et les contre-mesures envisagées par le Canada ;
- Développer de nouveaux partenariats commerciaux afin de diversifier leurs exportations, y compris dans les États et groupes d’États avec lesquels le Canada négocie actuellement des accords de libre-échange (Indonésie, ANASE et Équateur) ;
- Surveiller attentivement l’évolution des sanctions économiques imposées par le Canada et les États-Unis, notamment l’ajout de compagnies à l’Entity List (interdiction de vendre/acheter certaines technologies) et à l’Unverified List ainsi que les nouvelles restrictions américaines sur les investissements dans des technologies avancées en Chine ;
- Faire preuve d’une grande prudence en cas de levée de sanctions contre la Syrie ou, en cas d’accord de paix, de la Russie et se préparer à d’éventuelles représailles économiques de la Chine en cas de détérioration des relations Canada-Chine ;
- Surveiller de près la situation au Mexique et éviter de s’engager sur ce marché tant que le pays n’aura pas fourni des garanties suffisantes en matière d’indépendance du système judiciaire et de protection des investissements étrangers ;
- Se préparer à la mise en œuvre croissante des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières de l’UE et du Royaume-Uni et des obligations de divulgation en Californie, et anticiper l’augmentation probable du coût du transport maritime liée à la mise en place prochaine d’une taxe carbone sur le fret maritime ;
- Vérifier la classification du Canada sur la liste européenne des pays à risque de déforestation et prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer si elles exportent vers l’UE ;
- Mettre en place des mesures pour prévenir et atténuer le risque de travail forcé ou de travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement et respecter l’échéance du 31 mai 2025 pour remettre leur rapport annuel sur les mesures entreprises pour se conformer aux exigences égales ;
- Adopter les Normes canadiennes d’information sur la durabilité et suivre de près la transposition par les pays de l’UE de la nouvelle Directive CS3D qui s’applique aux entreprises non européennes qui satisfont certains critères.